Vie et temps
On n'obtiendra jamais du temps qu'un intermède,
Et qu'on perde son temps, on se voit sans remède.
Mais après la douleur, la fatigue et le bruit,
On est aux dernières heures et sans temps et sans fruit.
Chacun se donne en proie aux danses qui l'entraînent,
S'abandonne aux plaisirs, qui bientôt se font chaînes,
Et comme s'il n'existait pas le plus petit choix,
Chacun fait de son mieux pour n'être point à soi.
Affairé maladif, arrête-toi sans gêne !
C'est pouvoir contempler qui au bonheur nous mène.
Chaque instant préservé vaut bien l'éternité.
Prend garde de devoir un jour la rattraper.
N'attends pas que demain t'apporte satiété
Le jour que l'on possède est le plus fortuné.
Le présent t'appartient, agis donc sans rougir,
Tu ne peux empêcher ce qui doit advenir.
C'est de nos illusions que naît l'horreur du temps,
De nos rêves enfiévrés que vient l'inconsistant.
Chacun de nous voit bien la mort et le tombeau,
Mais jamais frénésie n'éloigna les corbeaux.
Librement inspiré de François Malaval (1627-1719), l'usage du temps.