Aux quatre coins de la Vicomté de Turin, des messagers précédant le retour du Seigneur et de ses Lansquenets avaient été envoyés afin que chacune des villes réservasse désormais un accueil digne de souverains et maîtres à chacun des proches compagnons du Roi Lézard, et ce en dépit de certains contestables décrets de destitution portant la griffe de la Hérauderie de sa Majesté l’Empereur. Or, voilà que les messagers rapportèrent que d’intolérables murmures s’étaient fait entendre à Turin.
Pour calmer cette capitale passablement agitée avant son départ pour la Campagne de Bretagne, Montjoye avait légué pleins pouvoirs de répression au Sénéchal Bohémond de Seyssel, dans l’espoir que ce dernier ne rétablisse la situation à l’avantage de la Maison. Malheureusement ce dernier, être excessif dans ses œuvres de cruauté avait accompli son emploi avec un tel zèle, si bien que de rébellion il ne fut plus question puisqu’un sixième de la population avait plus ou moins justement péri de sa main sur l’échafaud.
Ainsi il avait été délicat d’obtenir de la ville les mêmes démonstrations de joie que celles observées tantôt dans les bourgades de San Gillio, Moncalieri et Rivoli. Mais Montjoye allait répondre à la problématique avec une aisance qui n’appartenait qu’à lui-seul. Ce fut ainsi qu’un beau matin la populace put découvrir à l’aube l’échafaud dressé en place publique et sur celui-ci un homme tranché en quatre quartiers, que surmontait, au bout d’un pieux, une tête détachée du tronc.
Cet homme avait été Bohémond de Seyssel.
Nul ne sut jamais par quelles mains l’échafaud nocturne avait été dressé, ni par quel bourreau la terrible exécution fut appliquée. Seulement lorsque des enquêteurs de la Chancellerie avait fait demander à leurs indicateurs piémontais ce qu’ils pensaient de cette mort horrible autant que mystérieuse, ceux-ci avaient répondu en chœur :
" Magnifiques seigneurs, nous ne pouvons rien vous dire touchant l’exécution de Messire de Seyssel, sinon que Raoul de Montjoye est le Prince qui sait le mieux faire et défaire les hommes selon leur mérite … "
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