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 Chroniques de Savoie

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Bastien

Bastien


Messages : 26
Date d'inscription : 28/07/2011

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MessageSujet: Chroniques de Savoie   Chroniques de Savoie Icon_minitimeSam 2 Juin - 12:49

Juin :

7 juin 1263 : Boniface de Savoie, surnommé le Roland à cause de sa bravoure et sa générosité, meurt en captivité aux mains des habitants révoltés de Turin. Loyal à l'empire (c'est le neveu de Richard 1er, le roi des Romains de l'époque), il était allé assiéger Turin parce que les Guelfes, le parti du pape, y avaient fait emprisonner le représentant des Gibelins, le parti de l'empereur.

Les querelles entre Guelfes et Gibelins ont vraiment empoisonné le saint empire pendant des siècles. A l'origine, ces deux partis rassemblaient les partisans de deux candidats à l'élection impériale. Le premier chef des Gibelins est Frédéric II von Hohenstaufen, et le premier chef des Guelfes est Othon de Brunwick. Brunswick ayant été éliminé militairement à la bataille de Bouvines, en 1214 (pour l'anecdote, c'est par l'armée française qu'il a été vaincu), son parti est récupéré par les adversaires des Hohenstaufen. Le Pape prend de temps à autre la tête des Guelfes, car les Hohenstaufen contrôlent l'Allemagne, l'Angleterre, la Bourgogne, et toute l'Italie à l'exception des territoires pontificaux, ce qui les rend trop puissants au goût de leurs voisins. Frédéric II de Hohenstaufen est mort depuis des années, les Gibelins privés de chef sont en déroute, et la papauté a fait des guelfes un parti anti-germanique. Richard 1er, roi des Romains, est le frère du roi d'Angleterre Henri III, et l'oncle du comte de Savoie Boniface. Mais pour les Italiens il reste un germain. Richard est immédiatement contesté par le roi de Castille, et bien sûr par le pape, car Richard est un puissant seigneur anglais et il a aussi du pouvoir en Allemagne. Les guelfes cherchent donc à lui nuire. Et, en 1255, Thomas du Piémont, vicaire impérial pour l'Italie, régent de Savoie, grand gonfalonier du pape Innocent IV, et cousin du roi Richard, est capturé par les bourgeois de Turin. Ces derniers se sont alliés au marquis Guillaume VII Alérame de Montferrat, un éternel rebelle à la Savoie, pas spécialement partisan du pape ou des guelfes, mais très opportuniste, et qui avait choisi de soutenir les Angevins (c’est-à-dire les chefs des guelfes de l'époque) contre les gibelins. Thomas n’est libéré qu’en 1259, en échange de la signature d’un traité humiliant (la renonciation pure et simple à tout le Piémont, qui est partagé entre Turin et Montferrat).

Ce traité ne sera jamais appliqué, car cassé par le roi Richard, et peu soutenu par les Piémontais eux-mêmes, mais le régent Thomas meurt quelques jours plus tard, très vraisemblablement empoisonné par les gens de Turin en représailles du traité non appliqué. Boniface, comte de Savoie, suzerain théorique de Guillaume de Montferrat, et neveu de Thomas de Piémont, recrute alors une armée, convoque ses vassaux et prend la route de Turin. Le régent de Franche-Comté de l’époque l’accompagne, un fait assez rare pour être mentionné. Des troupes angevines, alliées à Montferrat, tentent de défendre Turin, mais sont battues à la bataille de Rivoli, et les deux comtes mettent le siège devant la ville. Quelques jours après ils sont surpris par l'arrivée de renforts venus des alliés de Turin : Asti et Montferrat, encore lui. Les troupes impériales, trop peu nombreuses, sont vaincues devant Turin, et Boniface, lui-même, âgé de dix-neuf ans, termine en prison. Il y mourra rapidement, et des doutes sur l’emploi du poison demeurent également. La mort du jeune comte, sans enfant, mena sur le trône de Savoie le comte Pierre, un vieux et riche seigneur anglais, oncle de Boniface. Avant que l’année se termine, Pierre avait recruté une nouvelle armée, plus puissante, et était revenu en Piémont. Il a vaincu l’alliance d’Asti, de Montferrat et de Turin, et a fait payer très cher la mort de son neveu. La région ne fut pas pacifiée pour autant, et après que Guillaume de Montferrat ait trahi les Angevins, et offert ses services au roi de Castille, il revendiqua à nouveau Turin. Après avoir vaincu définitivement les Angevins, opposé à la Savoie et à Milan, il termine ses jours dans une cage de fer, fait prisonnier de la même façon qu’il avait fait jadis avec Thomas de Piémont et Boniface de Savoie. Comme eux, Guillaume de Montferrat ne retrouva jamais la liberté, mais il fut même montré dans sa cage, pour montrer aux Piémontais où menait la rébellion ; son marquisat est ravagé par les troupes savoyardes, et la dynastie des Alérame est bannie à jamais de la zone d'influence de la Savoie.

10 juin 1452 : Acte de soumission de de la ville de Fribourg au duc Louis de Savoie. La ville et les territoires dépendant d'elle deviennent des fiefs de la Savoie, tandis que les cantons de Sion, de Morat, de Grandson et de Lausanne le sont déjà, et que celui de Genève l'est quasiment.

La guerre entre Fribourg et la Savoie n'a pas duré aussi longtemps que la guerre qui a opposé la Savoie au Dauphiné, loin de là. En fait ce fut même une guerre éclair, puisqu'elle n'a duré que deux mois, et que la majeure partie de ces deux mois a été passée en recrutement et déplacement des armées jusqu'à Fribourg. En fait il n'y a eu qu'une seule bataille, où l'armée de Fribourg a été interceptée et détruite. La paix de Morat, en juillet 1448, a mis fin aux hostilités. Mais Fribourg ne pouvant payer les dommages de guerre, elle a été contrainte à la soumission totale. Quatre ans après la fin de la guerre, le duc de Savoie est entré dans la ville à la tête de son armée, soutenu par toutes les autres puissances de la région. N'étant plus sous l'autorité du duc d'Autriche, la ville et son comté sont passés dans le domaine du duc de Savoie. Pour comprendre les choses, revenons cependant un peu avant la guerre. La Savoie s'est alliée à la ville de Berne en 1384 (traité de ligue perpétuelle). Bien avant la ligue, elle avait déjà avec cette ville des liens étroits d'amitié, l'alliance était donc solide. De son côté, la ville et le comté de Fribourg était les loyaux vassaux de l'Autriche, autre duché très puissant, surtout étant donné que le duc d'Autriche (Frédéric de Habsbourg) était alors roi des Romains, c'est-à-dire l'héritier du trône impérial. Son frère, Albert de Habsbourg, était alors l'empereur couronné, et les Habsbourg étaient une des familles les plus puissantes de l'empire. Les Autrichiens, à l'exact inverse de la Savoie, étaient les ennemis acharnés de Berne, depuis que cette dernière avait pris la tête de la confédération helvétique, en rébellion ouverte contre l'Autriche. Quand l'Autriche a voulu tenter une fois de plus de mater la rébellion de Berne, alors Fribourg et la Savoie se sont automatiquement retrouvées en guerre, par le jeu des alliances.

Le plus extraordinaire c'est que cette guerre Fribourg l'a menée seule, l'Autriche n'envoyant finalement personne. Les Habsbourg avaient déjà fort à faire pour empêcher les Turcs et les Hongrois d'envahir leurs frontières orientales. Tout ça mena à la conclusion logique : l'écrasement de Fribourg. Les droits du duc d'Autriche, qui était censé aider son vassal mais qui ne l'a pas fait, ont été supprimés par un arbitrage du roi de France, du duc de Bourgogne, et des cantons helvétiques qui étaient restés neutres. Comme c'était la guerre entre Berne et l'Autriche qui avait déclenché toute l'histoire, l'Autriche était doublement concernée, et elle a par conséquent perdu l'influence qui lui restait dans la région, augmentant du même coup l'influence d'un de ses plus puissants rivaux. Une des principales traces encore aujourd’hui de la « guerre froide », ou pour parler plus justement, de l' « entente forcée » entre Savoie et Autriche est la langue. Dans les territoires de la zone autrichienne, on parle allemand, et dans les territoires de la zone savoyarde, on parle français. Bien sûr il n’y a pas de trait tracé tout droit sur une carte, c’est juste pour donner une idée globale, qui doit être affinée en fonction des cas. Louis de Savoie n'était pourtant pas un souverain exceptionnel, et tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il a eu de la chance cette fois-là, en plus de bénéficier des relations tissées par son prédécesseur auprès des puissances voisines. Pour la petite histoire, certains pensent que Guillaume Tell, le héros populaire des Suisses, a été inventé à cette époque, pour profiter de l'humiliation de l'Autriche pour précipiter les Suisses du Nord dans la révolte contre les Autrichiens (les Suisses du Nord, bien sûr, considèrent quasiment tous que Guillaume Tell est un personnage historique, et qu'ils aient raison ou tort, après tout son authenticité n'est plus si importante maintenant...).

11 juin 1430 : L’alliance militaire d’Amédée VIII de Savoie, de Philippe III de Bourgogne et de Louis II d’Orange est battue à la bataille d’Anthon par une autre alliance, celle des troupes royales françaises (soldats au service des Armagnacs) avec une compagnie de hors-la-loi castillans. Les Bourguignons et leurs alliés doivent renoncer à leur tentative d’enlever le Dauphiné aux Armagnacs.

La guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons ne s’est pas jouée qu’à Paris, ni qu’entre diplomates. Et la Savoie n’a pas toujours été du côté du roi de France, même si elle a su voir qu’il valait mieux s’éloigner de Jean Sans peur et de ses dérives. Le meurtre de Jean Sans peur, en 1419, n’a pas réglé le conflit. Au contraire, elle a rangé les Bourguignons dans le camp opposé de celui du Dauphin, et en a donc fait des alliés des Anglais. Philippe III de Bourgogne a fait le serment de se venger des assassins de son père, et ces assassins, ce sont les Armagnacs. En 1429, le Dauphin a été sacré à Reims et est devenu le roi Charles VII, mais il est resté le chef des Armagnacs. Les Bourguignons lui sont donc hostiles, et leurs meilleurs alliés, les Savoyards, le sont par conséquent également. Et en 1430, Amédée VIII de Savoie accepte d’aider les Bourguignons à s’emparer du Dauphiné, place-forte des Armagnacs. Il est plus que probable que le duc de Savoie ait été enchanté de la demande de la Bourogne, car il n’a jamais oublié que la France avait grugé son grand-père en s’emparant du Dauphiné en 1349, alors que la province appartenait à la Savoie en totalité, par droit de conquête. La Bourgogne avait déjà sur place une puissante tête de pont, sous la forme des garnisons du prince Louis d’Orange. Ce dernier, possesseurs de terres en Dauphiné, et depuis toujours serviteur de la Bourgogne, se les était faites confisquer par les Armagnacs dans un premier temps. Mais dans un deuxième temps, en 1428, il les a reconquises par la force. Et depuis son armée occupe une partie du Dauphiné, certes inquiétée par les retentissantes victoires des Armagnacs sur les Anglais en 1429 (victoire militaire à Orléans, victoire politique à Reims), mais pas affaiblie le moins du monde.

Le prince d’Orange a aussi des terres en Franche-Comté, et il souhaite annexer une partie du Dauphiné pour rendre les communications plus faciles entre ses différents fiefs. Les troupes d’invasion comptent environ quatre mille trois cent combattants, et le gouverneur du Dauphiné dispose de son côté d’environ mille deux cent hommes sous ses ordres : le contingent du sénéchal de Lyon, six cent hommes (c’est tout ce qui reste après les batailles contre les Anglais) et autant de mercenaires milanais. Sur le papier c’est une promenade pour Louis d’Orange. Mais le gouverneur est un bon stratège, et il décide d’engager une autre compagnie de mercenaires, les Castillans de Rodrigue de Villedrando, qui se trouvent justement en Dauphiné. Les Armagnacs restent en infériorité numérique, mais comme ils connaissent le terrain, à la différence des envahisseurs, les chances s’égalisent. Ils attaquent les premiers et massacrent les garnisons du prince d’Orange, avant l’arrivée des renforts Bourguignons, qui ont le Rhône à traverser. Les châteaux sont pris d’assaut et les renforts envoyés au secours des garnisons sont interceptés pendant leurs marches. Le gros du combat a lieu dans une forêt appelée le bois des franchises, au sud d’Anthon. Les Armagnacs sont placés autour du bois, avec des bombardes, et prennent en embuscade les Bourguignons quand ils traversent les bois. Les Bourguignons perdent trois cent hommes dans l’attaque, et les survivants s’enfuient. Le prince d’Orange et un grand nombre de Savoyards et de Bourguignons sont fait prisonniers. Les pertes des Armagnacs sont dérisoires. Il est plus que probable que c’est à ce moment que Savoyards et Bourguignons ont commencé à préparer la paix d’Arras de 1435, qui a mis fin à la guerre civile.

14 juin 1430 : Amédée VIII, premier duc de Savoie depuis quelques années, fait entrer en vigueur, sous le nom de Statuts de Savoie (Statuta Sabaudiae), la modernisation des lois mises en place par ses prédécesseurs, les comtes de Savoie. Plus qu’un simple texte juridique, les statuts régissent également les rapports sociaux et l’organisation économique de l’État.


Les Statuts de Savoie prennent la forme de cinq livres. Ils ont principalement pour objet de centraliser l'administration et d'affirmer le prestige du souverain face à l'enchevêtrement des pouvoirs et des allégeances issus de la féodalité. Mais bien d'autres sujets, plus quotidiens, sont abordés. La police religieuse occupe quasiment tout le premier livre. Elle n'est pas liée à l'Inquisition, qui dépend de Rome, ni aux tribunaux religieux locaux, dont l'action échappe aussi totalement au duc. Son but est de protéger certaines populations hérétiques installées en Savoie, en condamnant lourdement qui nuit aux protégés du duc, mais tout en suivant scrupuleusement les instructions de Rome en terme de liberté de culte. En effet cette police s'assure aussi que les directives du concile de Latran, qui a eu lieu trois siècles plus tôt, sont bien appliquées (comme elles le sont aussi dans les provinces voisines). Le deuxième livre décrit les trois conseils du duché. Le conseil résident est un conseil permanent, assez semblable à une cour d’appel car ses activités sont principalement judiciaires : il encadre par l'intermédiaire des juges-mages l'activité de la justice des seigneurs. Le conseil itinérant gère principalement les affaires gouvernementales et diplomatiques. Il est composé de vassaux du duc, et est dirigé par le chancelier, deuxième personnage de l’État. Quant au parlement, c'est un conseil principalement fiscal, composé de représentants de la noblesse, du clergé, et des communes, qui se réunit sur demande du duc. Il y a deux parlements : celui de Chambéry concerne la Savoie cismontaine (états de Bresse, de Savoie, et de Vaud), et celui de Turin concerne la Savoie ultramontaine (état du Piémont), celle située de l’autre côté des Alpes, et dont le statut reste particulier, car c’est un apanage de l’héritier du duché.

Le troisième livre concerne les droits et les devoirs des officiers et des seigneurs savoyards. Il est beaucoup question des notaires, pour ce qui concerne les testaments et héritages de la noblesse : la Savoie est un vieux pays de droit romain, et les contrats écrits y sont donc la règle. A la fin du livre, le duc évoque une « bizarrerie » savoyarde : l'avocat des pauvres est un avocat professionnel payé par le duché, qui défend les Savoyards qui passent en justice. Le livre quatre parle de finance. Premièrement il y est question des impôts, que les parlements ont pour devoir de fixer (et qui sont pour certains payés aussi par les nobles, qui n’ont jamais été totalement exemptés d’impôts). Deuxièmement, le duc définit un salaire minimum que les employés doivent gagner pour une journée de travail, ainsi qu’une grille des prix, réalisée par une commission d'officiers du duché et d'artisans. Mais c’est le livre cinq qui est le plus original, car seule la Savoie a inscrit cela dans ses lois. Amédée VIII définit comment les gens doivent s'habiller et se comporter. C'est en quelques sortes un code d'étiquette sur-développé, et en Savoie, contrairement aux autres pays, les fautes de goût, ou de style, sont punies par la loi. Bien sûr on peut considérer que c'est de la folie furieuse et en même temps une futilité terrible, mais le fait est que le duc a compris un des moteurs les plus puissants de l'humanité. L'amour des apparences. Quelle meilleure chose pour un souverain que de disposer de la possibilité de récompenser ses serviteurs sans que ça ne lui coûte rien ? En Savoie, l'habit fait le moine, et par exemple nul ne peut porter la tenue d'un chevalier s'il n'est pas chevalier lui-même. Le drap d’or est réservé au duc et aux membres de sa famille, le velours d’argent aux barons, l’écarlate aux bannerets, le velours broché aux chevaliers, la soie aux écuyers, l’ostrade (laine) aux bourgeois, et ainsi de suite.

16 juin 1426 : la quatrième croisade contre les Hussites rassemble la première armée de conscription de l’histoire du saint empire. Elle prend en compte des paysans embauchés dans toutes les provinces de l'empire, y compris naturellement des Savoyards. Suite à leur manque de discipline, les conscrits sont écrasés par les Hussites à Ústí et les autorités impériales reviennent à l'emploi classique des mercenaires.

Disons quelques mots des Hussites. Ce sont avant tout des opposants religieux à Rome : des hérétiques. Jean Hus, leur meneur, est un théologien reconnu et le recteur de l’université de Prague (capitale de la Bohème, le pays des Hussites). Il a été brûlé pour hérésie en 1415, au concile de Constance, malgré un sauf-conduit délivré par l’empereur Sigismond du Saint-Empire. Cinq ans plus tard, les Hussites, partisans du défunt recteur, adressent leurs revendications à Rome et à l’empereur (bien que la Bohème, leur pays, ne fasse pas partie du Saint-Empire, les empereurs de la dynastie des Luxembourg, comme Sigismond, l’empereur de l’époque, sont également rois de Bohème) : premièrement, pauvreté des religieux, deuxièmement, même sanction des péchés quelque soit le rang social du pécheur, et troisièmement, liberté de prêche. L’empereur s’oppose encore à eux, et cette fois les Hussites se rebellent militairement contre Rome et contre l’Empire. Le duc Amédée VIII de Savoie négligea longtemps l'appel du pape à la croisade, mais quand l'empereur Sigismond lui-même lui demanda des troupes, il dut obéir. Le duc n'était pas un guerrier et il resta en Savoie. Mais plusieurs milliers de paysans savoyards rejoignirent l'armée croisée qui se rassemblait dans le duché de Saxe. La Saxe était en effet attaquée par une armée de Hussites. Victorieux dans les trois premières croisades, les Hussites avaient décidé d'attaquer l'empire plutôt que d'attendre chez eux une nouvelle invasion, que tous savaient inévitable. Supérieure en effectifs et en armement, l'armée impériale repoussa l'attaque tchèque à la bataille d’Aussig (nom allemand de Ústí), et libéra la frontière saxonne.

Mais, suite à leur manque d'expérience, à l'ingéniosité des Hussites, et surtout au manque de coordination des différentes composantes de leur armée, les impériaux furent finalement vaincus, après avoir fait reculer les envahisseurs. L'infanterie, dans le Saint-Empire, est bien moins prestigieuse que les chevaliers, mais reste beaucoup plus employées qu’en France, où la chevalerie, mieux entraînée que les chevaliers des autres pays, domine nettement tous les autres combattants. Les assauts de l’infanterie et de l'artillerie impériales avaient réduit en miette les 500 chariots de guerre des Hussites, si redoutables face à de la cavalerie, et la noblesse impériale crut que la bataille était gagnée et chargea. Un grand nombre de chevaliers tombèrent dans une grande fosse creusée de nuit derrière la ligne hussite. Les chevaliers survivants battirent en retraite, ce qui fit reculer aussi le reste des troupes croisées, le tout rappelons-le devant un ennemi moins nombreux, quasiment intégralement en déroute, et moins bien équipé (mais tout aussi motivé, les troupes étant fanatisées par des prêcheurs, des deux côtés). La conscription, autrement dit l'armée non-professionnelle, fut jugée responsable de cette demi-défaite. C'était la première fois qu'elle était utilisée au niveau de l'empire, et ce fut aussi la dernière fois. Les nobles utilisent encore de nos jours leurs paysans au combat, dans leurs guerres privées, et les villes alignent sur leurs murs des milices de bourgeois, mais on préfère de nos jours de loin des guerriers professionnels, certes souvent mercenaires, donc plus chers et pas toujours loyaux (ils le sont généralement, n’exagérons pas non plus) mais en tout cas toujours mieux formés et beaucoup plus fiables dans une situation de combat.

25 juin 1142 : Amédée III de Maurienne (ancêtre de la famille ducale de Savoie) tue son beau-frère Guigues IV du Viennois, surnommé le Dauphin (premier Dauphin, fondateur symbolique du Dauphiné), en attaquant l'armée viennoise qui assiège le château "savoyard" de Montmélian. Le roi des Francs Louis VII, fils d'une autre sœur d'Amédée, indigné de ce meurtre entre proches parents, force avec le soutien de l’Église le comte de Maurienne à partir en croisade avec lui, pour expier son meurtre.


Les fiefs du comte du Viennois et du comte de Maurienne s'enchevêtraient à l'époque dans la région de Grenoble, et comme aucun des deux ne voulait céder, aucune frontière ne pouvait être tracée. Certains fiefs du comte de Maurienne étaient trop près de la capitale du Viennois, Grenoble, pour ne pas être jugés sensibles. En 1140, la Savoie renforça les garnisons de ses châteaux. Le Dauphiné prit ça pour une provocation, ce que c'était plus ou moins, et la guerre fut déclarée. Elle allait durer plus de deux siècles, mais à l'époque on l'ignorait encore. Après plusieurs victoires militaires, en 1142 l'armée du dauphin mit le siège devant Montmélian, une importante forteresse située dans la combe de Savoie, qui contrôlait l'accès au cœur du comté d'Amédée. Amédée III parvint à remotiver ses troupes en déroute et à lancer une contre-attaque qui prit les Viennois par surprise et les repoussa. Le comte du Viennois fut blessé très grièvement et mourut trois jours plus tard, rapatrié en urgence. Amédée ne voyait pas le problème que posait la mort du Dauphin. Il s’apprêtait donc à envahir le comté du Viennois : vu qu'il avait tué le comte et mis son armée en déroute, rien ne devait en théorie lui résister. Une des sœurs d'Amédée, Mathilde, avait épousé Guigues le Dauphin, celui qu'Amédée avait tué. Une autre, Adèle, avait épousé Louis, le roi des Francs (ancêtre du royaume de France, comme chacun sait). La mort du Dauphin fit donc beaucoup de bruit, et pendant un moment Louis VII des Francs, neveu d'Amédée et de Guigues, voulut confisquer la Maurienne à son oncle, si ce dernier continuait son invasion du Viennois.

Ce fut l’Église qui empêcha l'implantation des Francs dans les Alpes. L'armée des Francs était la plus puissante d'Europe et celle de Maurienne aurait été incapable de la stopper, surtout étant donné que l'empereur, suzerain d’Amédée, était parti en croisade. A cette époque, le pape avait en effet appelé à la croisade contre les Turcs et les Arabes, en Terre Sainte. Louis VII des Francs était excommunié, et n'y participait pas, méprisé par l'empereur. Le moine influent Pierre le vénérable (à ne pas confondre avec le moine prêcheur Pierre l'ermite, à peu près contemporain et bien plus célèbre) obtint d'Amédée et de Louis qu'ils partent tous les deux en croisade. En retour ils obtiendraient le pardon de leurs péchés. La croisade fut une succession d'échecs militaires, principalement à cause du mépris des impériaux pour les Francs, dont le roi était excommunié, mais elle plaça la Savoie dans le camp de l’Église, en plaçant le comte-évêque de Lausanne, ami personnel du comte Amédée, à la régence du comté de Maurienne, qui auparavant était fermement dans le camp de l'empereur. Le pape avait besoin d'alliés dans sa lutte de l'époque contre l'empereur, et la Maurienne était un véritable cadeau pour lui, étant donné sa puissance dans l'empire. C'est aussi en référence à cette croisade que cinquante ans plus tard, vers 1200, la Savoie a pris ses actuelles couleurs (croix d'argent sur champ de gueules). Elles sont inspirées de la croix des chevaliers hospitaliers, ordre mythique né lors les croisades en Terre Sainte. Mais bien rares sont ceux qui savent que cette croisade a été une punition pour le comte, et non l’acte d’un esprit pieux et dévoué à l’église.


Dernière édition par Bastien le Sam 8 Sep - 14:01, édité 2 fois
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Bastien

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MessageSujet: Re: Chroniques de Savoie   Chroniques de Savoie Icon_minitimeMar 5 Juin - 19:27

Juillet :

2 juillet 1431 : l’alliance militaire de la Savoie et de la Bourgogne répond à l’appel d’un des deux candidats à la succession du duché de Lorraine et combat en Lorraine contre l'armée du roi de France. A la bataille de Bulgnéville, en infériorité numérique, les franco-savoyards battent les franco-lorrains, et la succession de Lorraine est finalement décidée par l’empereur romain Sigismond.

Le duc Charles II de Lorraine est mort six mois plus tôt, et comme il n’avait pas de fils, deux candidats se disputent sa succession. D’un côté le candidat des Français, le duc de Bar, prétendait qu’il devait hériter vu qu’il avait épousé la fille aînée du duc. Et de l’autre le candidat des Bourguignons, le comte de Vaudémont, disait que selon la loi salique c’était lui qui devait hériter, étant le fils du frère du duc. Derrière cette querelle familiale, on distingue assez facilement l’ombre de la guerre de cent ans, où les royalistes français, après être passé près de l’anéantissement pur et simple face aux Anglais (alliés des Bourguignons à l’époque), reviennent à la vie, grâce à une Lorraine justement, Jeanne d’Arc. Au départ Charles de Lorraine est un grand ami du duc de Bourgogne, membre affiché du parti des Bourguignons, et franchement hostile aux Orléans. Nommé connétable de France par la reine Isabeau de France au moment où les Bourguignons règnent officieusement sur la France, il a cependant renoncé à cette charge et s’est ensuite éloigné de son ancien parti, craignant dit-on que son vieil ami ne veuille annexer la Lorraine, une des enclaves entre les possessions bourguignonnes du sud et du nord (le duc de Bourgogne a hérité de la Flandres et a réunifié les Pays-Bas). Dans son testament, le duc dit clairement laisser la Lorraine à sa fille, et en empire la loi salique n’a pas de valeur, mais pour les Français elle en a, et les Bourguignons (qui sont des Français, on l’oublie parfois), se sont donc opposés à cet héritage. Neuf mille soldats bourguignons et savoyards sont donc entrés en Lorraine à la suite d’Antoine de Toulangeon, maréchal de Bourgogne, et d’Amédée de Viry, chef de la compagnie savoyarde.

L’armée lorraine reçoit de nombreux renforts de France, et, forte d’environ douze mille hommes, elle tente de s’emparer du comté de Vaudémont. Les deux armées se retrouvent à Bulgnéville (environ 50 km à l’ouest d’Epinal). Le duc René de Lorraine est fait prisonnier à Bulgnéville, où les archers picards et les hommes d’armes savoyards mettent les Franco-Lorrains en déroute. René de Lorraine ne garde sa couronne que grâce à l’intervention du duc Sigismond du Luxembourg, qui est également empereur du saint empire romain, et donc le suzerain de la Lorraine (il est aussi celui de la Savoie et de la quasi-totalité du « grand-duché d’Occident », comme on appelle alors la Bourgogne, mais cette fois il a choisi de soutenir René de Lorraine). Le Luxembourg craignait sans doute d’être le suivant à être visé si la Bourgogne mettait cette fois un de ses agents sur le trône de Lorraine (et on constate qu’en effet treize ans plus tard la Bourgogne a acheté le Luxembourg). Même avec ce soutien, vaincu, René est forcé de marier sa fille au fils du comte de Vaudémont. Il est ensuite libéré mais invité à quitter la Lorraine, et à se retirer sur ses terres de Provence, dont il est également le comte, pour s’occuper du reste de son héritage. C’est ainsi que le fameux « bon roi René » est allé s’installer en Provence. La guerre entre Armagnacs et Bourguignons n'était pas achevée encore, mais les victimes de Bulgnéville font partie des dernières victimes de la guerre civile française. Rappelons que la pucelle de Lorraine a été brulée par les Anglais le 30 mai 1431, c'est-à-dire un mois avant les faits dont il est question ici.

4 juillet 1187 : Guillaume V de Montferrat, surnommé l'ancien, demi-frère du comte Amédée III de Maurienne (future Savoie), est fait prisonnier avec ses soldats lors de la bataille de Hattin, remportée par Saladin, le plus prestigieux et talentueux chef sarrasin de l'époque.

En 1187, Guillaume de Montferrat, "oncle" du fameux roi Baudouin IV de Jérusalem, le roi lépreux, est retourné en terre Sainte depuis plusieurs années. Jadis, du temps de sa jeunesse, il avait déjà participé à la deuxième croisade, aux côtés de son demi-frère Amédée de Savoie et du roi Louis de France, mais la fin de la croisade l'avait fait retourner en Montferrat, ce puissant état vassal des comtes de Savoie. De retour en Terre Sainte, Guillaume l'ancien se met d'abord au service du roi Baudouin, dont la sœur Sybille était la marquise de Montferrat. Puis en 1185, il passe au service direct de sa belle-fille, devenue la reine Sybille. Et c'est en tant que chevalier (alors qu'il a au minimum soixante ans, puisqu'il combattait déjà quarante-cinq ans plus tôt, dans la deuxième croisade) qu'il part combattre les troupes sarrasines de Saladin en 1187. Une trêve existait avec les Sarrasins, mais elle avait été rompue par un seigneur latin plus pillard que religieux, Renaud de Châtillon. Saladin ne semble pas avoir souhaité faire la guerre tout de suite aux Latins, mais il n'a pas de mal à rassembler une grande armée, et à tendre un piège aux soldats latins, redoutables au combat, avec leurs lourdes armures et leur habitude du maniement des armes, mais peu mobiles et très indisciplinés, dans le cas des chevaliers.

Les 25 000 combattants latins (et leurs auxiliaires locaux, les turcopoles) sont encerclés près du petit village de Hattin par un nombre encore supérieur de guerriers sarrasins, venus d’Égypte, d'Arabie et de Syrie. Sans eau, sous la fournaise du soleil de juillet, étouffés par leurs lourdes cuirasses, les Latins se retranchent dans le village, et résistent à toutes les tentatives de les déloger, occasionnant de lourdes pertes aux Sarrasins. Saladin ordonne alors à ses soldats de mettre le feu aux broussailles et d'enfumer les Latins, accentuant encore les effets de la chaleur et du manque d'eau. Les Latins évacuent alors le village, et vont combattre sur un éperon rocheux appelé les cornes de Hattin. Ils y résistent toute la journée, avant de finir par se rendre à Saladin, quand la nuit tombe. Les turcopoles, les templiers et les hospitaliers sont décapités, ainsi que Renaud de Châtillon, le briseur de trêve. Les autres sont fait prisonniers et quasiment toujours réduits en esclavage. On estime qu'il y eut au moins trente mille morts à Hattin, partagés entre les deux camps. Le royaume de Jérusalem, privé d'armée alors qu'il est environné d'ennemis, survit pourtant à la défaite, mais perd la plupart de ses villes, dont Jérusalem, la capitale. Les Latins se sont fortifiés dans certaines villes, et Saladin ne peut s'emparer de toutes. En particulier, Tyr, une ville côtière où des renforts menés par Conrad de Montferrat, le propre fils de Guillaume, se sont retranchés, résiste et tient fermement la côte libanaise. Conrad de Montferrat est un chef de guerre expérimenté, général de l'empire byzantin. C'est aussi l'oncle de la reine Sybille, et l'héritier du royaume de Jérusalem. Saladin tente d'échanger la liberté de Guillaume contre la ville détenue par Conrad. Les deux Savoyards refusent, et les Sarrasins doivent se retirer. Guillaume est finalement libéré l'année suivante, et Conrad devient roi de ce qui reste des états latins en Terre Sainte.

7 juillet 1426 : Amédée VIII de Savoie envoie son chambellan à la tête de 4700 soldats au secours de son allié Janus de Lusignan, roi de Chypre. Janus est attaqué par les mamelouks d’Égypte et leurs alliés turcs. L'expédition savoyarde est écrasée avec les forces arméniennes et les rescapés des croisades, à la bataille de Chérodie (Choirokoitia en grec).

Peut-être certaines personnes ignorent-elle quelle fut la débâcle des dernières années de l'empire byzantin. En effet, tout le monde sait vaguement que Constantinople, la capitale byzantine, a été prise d'assaut par les Turcs en 1453. A cette date l'empire est gravement malade. Il est prestigieux, certes, à cause de sa puissance du temps des Césars. Mais cette puissance c'était il y a mille ans. En 1453 il n'est plus que l'ombre de lui-même depuis deux ou trois siècles déjà, comme on l'a vu avec la quatrième croisade, où l'empire byzantin, déjà malmené par les Turcs, a été littéralement dépecé par des Croisés venus d'Europe, les Latins. Le royaume de Chypre, cette petite île située en pleine Méditerranée, entre la Turquie et la Syrie, avait été envahi par les Latins avant même l'attaque de Constantinople, et finalement rattaché au royaume latin de Jérusalem. Base avancée des croisés dans la Méditerranée orientale, Chypre devient vite insupportable au sultan d’Égypte et à l'empereur des Turcs ottomans. C'est à Chypre que les chevaliers de l’Hôpital se sont installés quand les Francs ont du fuir la Terre Sainte. Contrairement aux Templiers et à la plupart des Latins, les Hospitaliers avaient en effet refusé de retourner en Europe, et ils tentaient de reprendre pied sur le continent. Les Hospitaliers s'étaient il y a longtemps repliés à Rhodes, une île plus à l'ouest, mais leurs opérations militaires étaient généralement organisées depuis Chypre, où ils gardaient de solides amitiés (des soldats et des seigneurs de Chypre participaient aux attaques organisées par les Hospitaliers, ou se faisaient corsaires eux-mêmes, sans que leur roi puisse faire quoi que ce soit).

Le sultan d’Égypte finit par s'entendre avec les Turcs, et une grande armée (environ 9000 hommes, et 180 navires), vint prendre d'assaut l'île de Chypre. Janus de Lusignan appela l'Europe à l'aide. Il avait le soutien de l'église de Rome, et avait épousé la fille du duc de Bourbon, donc il pouvait s'attendre à ce que l'Europe l'aide. Mais la république de Gênes était alors en très mauvais termes avec Chypre, l'église était déjà investie dans la croisade contre les Hussites, en Europe centrale, le duc de Bourbon était bien mal en point dans son combat contre les Anglais, et les Vénitiens, ennemis jurés des Génois, étaient eux en bons termes avec l’Égypte. Au final personne ne vint, sauf la Savoie, dont l'armée était assez puissante pour participer à la fois à la croisade contre les Hussites et à la guerre contre les Égyptiens, et dont les liens avec les hospitaliers étaient très forts : elle refusa d'abandonner les derniers croisés. Gênes, bien que toute proche de la Savoie, et donc potentiellement menaçante, était une puissance exclusivement maritime, et n'impressionnait pas le duc de Savoie. Quant à l’Égypte, elle était si éloignée qu'elle ne comptait pas. Des troupes vinrent aussi des alliés de Chypre situés hors d'Europe, et des milliers de soldats débarquèrent d'Arménie. Bien qu'en nombre supérieur, et pour des raisons inconnues, mais très probablement due à l'incompétence militaire du roi de Chypre, l'armée des alliés (Arméniens, Chypriotes et Savoyards) fut vaincue. Le royaume de Chypre fut forcé de devenir le vassal de l’Égypte, et la Savoie perdit son influence en Orient, tout en devenant une terre d'asile pour les réfugiés de Chypre, ses anciens alliés (Anne de Lusignan, la fille de Janus, épousa le fils d'Amédée VIII et fut le véritable successeur du plus grand des ducs de Savoie, car son époux, bien que duc officiel, était un faible : le règne d'Anne fut dur pour la Savoie, mais ça c'est une autre histoire).

11 juillet 1267 : Philippe de Savoie épouse Alix de Bourgogne. Philippe est l'héritier du comté de Savoie, et Alix est comtesse de Bourgogne (l'actuelle Franche-Comté). A la mort du comte Pierre de Savoie, l'année suivante, Philippe réunit la Savoie et la Franche-Comté sous la même autorité, la sienne.

Philippe de Savoie a alors la puissance d'un roi, car sa puissance s'applique jusqu'aux lointaines villes de Berne, de Lyon, et de Turin, et ses armées doivent lutter contre les Habsbourg d'Autriche et contre les Della Tore de Lombardie, seules puissances qui puissent lui être comparées. Au milieu du grand état savoyard, seules restent indépendantes deux très anciennes provinces, le comté de Genève et la baronnie de Faucigny. Les comtes de Genève, malgré le soutien du pape et leur prestige, parviennent juste à empêcher l'annexion, alors que la baronnie du Faucigny, ancienne terre savoyarde, a été donnée aux Dauphins de Vienne pour tenter de mettre fin à la guerre entre les deux pays (ce qui ne fonctionna pas, mais qui à l'époque mit effectivement fin aux combats, temporairement, avant la fin définitive de la guerre, un siècle plus tard, lors de l'arrivée des Français en Dauphiné). Au Nord, Berne et ses alliés font appel aux Savoyards pour lutter contre l'Autriche, et à l'Est Savoyards et Piémontais font obstacle aux tentatives d'unification de l'Italie du Nord entreprises par le duché de Milan, toujours remuant. Mais Philippe ne porta jamais la couronne royale, malgré sa réunification d'un tiers de l'ancien royaume de Bourgogne.

Philippe n'eut pas d'enfants. L'union de la Franche-Comté et de la Savoie ne lui survécut donc pas. C'est un fils d'Alix de Bourgogne, né du premier mariage de la comtesse, qui devint lui-même comte de Bourgogne à la mort de sa mère, vingt ans après le mariage de cette dernière avec Philippe, et alors que l'ancien comte était vivant. A la mort de Philippe, la Savoie elle fut confiée par les barons savoyards à Amédée, son neveu préféré. Le saint empire, qui aurait du intervenir lors de ces successions irrégulières, était alors en pleine guerre civile, l'empire n'ayant plus d'empereur depuis trente ans, depuis que le pape avait excommunié les derniers Hohenstaufen et avait appelé une croisade sur le refuge sicilien des derniers mmebres de cette famille. Allemands, Italiens et Français, réunis à l'appel du pape, écrasèrent les descendants des fameux Frédéric I et II, et l'Allemagne devint par la suite le théâtre d'une opposition farouche entre les différents prétendants à la couronne impériale. La Savoie resta impériale et gagna même un peu d'autonomie, mais la Franche-Comté faillit bien quitter l'Empire à cette occasion, car le successeur de Philippe vendit son pays au roi de France, un seigneur bien trop puissant pour se considérer sérieusement comme le vassal de l'empereur, même s'il y avait eu un empereur. Le comté de Bourgogne et le duché du même nom s'unirent et échappèrent ainsi à la mainmise de la France, permettant à l'Empire de ne pas devoir reculer ses frontières, et même de gagner des terres, le duc de Bourgogne, très puissant prince d'empire, possédant aussi la Flandre, l'Artois et le Hainaut.

15 juillet 1410 : A la bataille de Tannenberg (aussi appelée bataille de Grunwald), l'ordre teutonique est anéanti par l'alliance du royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie. Le maître de l'ordre et la plupart des commandeurs sont tués, et nombre de territoires durent être donnés aux Polonais et aux Lituaniens, ce qui fit reculer très fortement l'influence de l'église dans l'empire, et marqua en pratique la fin de l'ordre teutonique.

En juin 1410, les Polonais et les Lituaniens lancent une attaque commune contre les fiefs de l'ordre, fiefs auparavant conquis par l'ordre sur les Lituaniens. Les troupes se rencontrent entre les villages de Grunwald et de Tannenberg. On ne sait pas exactement combien de combattants ont participé à la bataille. Par fierté, les chefs alliés donnent en effet des chiffres très importants, et pour la même raison, mais inversée, les chefs allemands donnent des chiffres assez faibles. On pense cependant qu'il y avait sans doute moins de 20 000 Teutoniques et plus de 30 000 Alliés d'Europe de l'Est. L’expérience des troupes engagées de part et d'autre relativise le net déséquilibre numérique, les alliés alignant nombre de non professionnels, et les Teutoniques disposant de troupes très expérimentées, très bien équipées et parfaitement commandées. La chevalerie allemande était la meilleure d'Europe, et l'empereur avait envoyé plusieurs bombardes (hélas pour eux, la pluie mouilla la poudre, et rendit l'artillerie inopérante : seuls deux coups furent tirés). Le 15 juillet 1410, les Teutoniques se rangèrent en bataille, espérant que leurs adversaires les attaqueraient. Mais les Polonais et leurs alliés ne bougeaient pas. Le maître de l'ordre teutonique fit alors envoyer au roi de Pologne deux épées, et un message disant que ces épées étaient faites pour donner du courage à celui qui les portait. L'insulte n'était pas déguisée, et elle fonctionna. Les alliés chargèrent, mais les chevaliers encaissèrent parfaitement le choc. Au bout d'une heure, l'armée lituanienne était décimée et en déroute. Les Lituaniens disent cependant que c'était une tactique destinée à faire rompre leurs lignes aux chevaliers. Quoi qu'il en soit, les Teutoniques se ruèrent à la poursuite des Lituaniens.

Les mercenaires commencèrent à reculer aussi. Mais pas les Polonais. La bannière royale de Cracovie fut capturée et le roi lui-même dut défendre sa vie. Mais les Lituaniens ralliés par leurs chefs revinrent sur le champ de bataille et tombèrent sur les lignes arrières des chevaliers. Ulrich von Jungingen, maître de l'ordre teutonique, fut alors tué au combat par les Polonais, et ses troupes commencèrent rapidement à se replier. Il semble qu'un des Teutoniques, favorable aux Polonais, ait fait abaisser sa bannière, signe de reddition, ce qui entraîna la retraite. En effet, hormis le maître de l'ordre, les troupes teutoniques n'avaient à ce moment-là pas subi de pertes très lourdes. Mais il s'agit aussi peut-être d'une légende, ou d'une explication honorable de la défaite de la chevalerie face aux barbares (sans parler des Mongols des steppes russes, les Moldaves et les Lituaniens vivaient d'une façon très traditionnelle, et seuls les Polonais pouvaient prétendre à une certaine civilisation occidentale). Les chevaliers formèrent une ligne de fortification avec des chariots, pour empêcher la cavalerie ennemie de charger, mais ils furent du même coup piégés dans leur camp retranché, et au bout de dix heures de combat, alors que plus de Teutoniques étaient morts dans le camp qu'au cours de leur attaque contre les positions alliées, les survivants se rendirent. La plupart furent libérés, parfois contre une rançon, parfois juste en échange de leur parole de se rendre en Pologne. Mais certains furent exécutés sur ordre du roi de Pologne. Seuls 1500 Teutoniques, sur les 20 000 du départ, revinrent à Marienburg, la capitale de l'ordre. Marienburg fut assiégée par les Alliés, suite à leur grande victoire, mais ne se rendit pas. Et des renforts envoyés par l'Empereur et la Hongrie chassèrent les Alliés quelques semaines plus tard, mais l'ordre était moribond.

20 juillet 1420 : Amédée VIII de Savoie crée un impôt spécial pour financer une flottille de surveillance. Cette flottille sécurise les routes maritimes au large de Nice, passage incontournable entre Marseille et Gênes. Les Niçois créent également la route du sel, une route terrestre pour se désenclaver et ainsi profiter des effets bénéfiques de la protection savoyarde.

Les Grimaldi sont les seuls dans le pays de Nice à pouvoir prétendre appartenir à la haute noblesse d'empire. Ils ont d'ailleurs joué un rôle important dans le choix du comte de Savoie comme seigneur de Nice, en convainquant leurs voisins et vassaux de demander la protection de la Savoie face aux armées françaises à la fin du XIVe siècle. Gouverneurs de Nice dans un premier temps, en remerciement pour leur aide, les Grimaldi tentent alors de s'emparer des territoires de la république de Gênes. Ils sont faits prisonniers, et la Savoie leur confisque leur titre. Depuis c'est très malaisé de faire appel aux Niçois pour quoi que ce soit quand on est Savoyard, à cause de leur peu de loyauté des Grimaldi envers leurs suzerains successifs (ils ont trahi les Génois au bénéfice des Provençaux, puis les Provençaux au bénéfice des Savoyards, puis les Savoyards au bénéfice des Provençaux, puis les Provençaux parce qu’ils y avaient intérêt : ils sont d’un seul côté, le leur). Cependant, en 1420, quand le duc de Savoie lève un impôt spécial dans le pays de Nice, il est soutenu par le roi de France, le comte de Provence et le doge de Gènes, tous bénéficiaires de la protection apportée par la flottille savoyarde. Les Grimaldi, n'ayant personne pour les soutenir, acceptent l'impôt sans se plaindre. La Savoie fait donc construire deux galères de guerre, et la piraterie maritime cesse presque entièrement dès qu'elles entrent en activité. La Savoie n'a pas de véritable flotte commerciale, mais elle utilise beaucoup son port pour attirer le commerce des autres nations. Des navires de guerre sont donc indispensables pour éloigner les pirates.

Mais mettre fin à la piraterie n’est que la première partie du plan : il faut aussi que les marchandises puissent être débarquées à Nice. Or en 1420 la sortie de la ville est extrêmement dangereuse. Les deux seules routes terrestres allant vers Gênes sont sous la menace soit de brigands des montagnes (au col de Tende), soit de chevaliers pillards (sur le chemin de la Corniche, une enclave milanaise). Les Milanais étant fort peu disposés à accepter que des étrangers leur disent ce qu'ils ont le droit de faire sur leurs propres terres, et les comtes de Tende étant trop faibles pour faire respecter leur autorité sur la route qui traverse leur domaine, la situation est bloquée, car le relief interdit de relier directement Nice au reste de la Savoie. Un riche armateur de Nice construisit alors à ses frais une nouvelle route, menant de Nice vers Gênes, et passant exclusivement sur les terres sécurisées. Cette route, la fameuse route du sel, est achevée en 1434 et existe toujours actuellement. Elle est entièrement pavée et comprend même des ponts au passage des rivières. Que chacun se souvienne longtemps de cet armateur : Paganino DalPozzo. Même si les mauvaises langues n'oublient pas de préciser qu'il s'est aussi aidé lui-même, en mettant des péages très élevés sur « sa » route, c'est bien peu de choses en comparaison de la création de la route du sel. Le sel étant la marchandise la plus précieuse (et donc la plus rémunératrice pour le duché, qui perçoit la gabelle, une taxe spéciale sur le sel), l'accès au sel partout en Savoie est une des grandes améliorations du règne d'Amédée VIII. Le sel est sans nul doute ce qui a attaché durablement à la Savoie les « nouvelles terres » acquises par Amédée VIII : Niçois, Genevois, Piémont. C’est l’apogée de la Savoie.

23 juillet 1424 : Jean Allarmet de Brogny, archevêque savoyard d'Arles, cardinal et vice-chancelier de l'église romaine, lance la fondation dans la ville d'Avignon du collège Saint-Nicolas d'Annecy. Le collège, souvent appelé collège des Savoyards, permet l'hébergement gratuit d'étudiants en majorité savoyards à l'université d'Avignon, et met à leur disposition d'importantes ressources documentaires.

Vingt-quatre places sont tout d'abord créées au collège des Savoyards. Les étudiants doivent être inscrits en droit, civil ou canon. Un tiers doit être originaire du diocèse de Genève, et en priorité des habitants d'Annecy, la ville où a grandi le cardinal. Un autre tiers peut être originaire du diocèse de Sion, de Lausanne, ou de Moutiers. Et le dernier tiers n'est pas forcément savoyard, les étudiants originaires du diocèse de Vienne ou de la province d'Arles peuvent aussi demander à entrer au collège des Savoyards. Les années où des étudiants français ou provençaux étudient au collège des Savoyards, on le surnomme le collège des quatre nations (Genevois, Savoyards, Viennois, Arlésiens). Rappelons qu'à l'époque l'université de Turin existait déjà, depuis 1405, et qu'elle est située en Savoie (l'université d'Aix-en Provence existait aussi, depuis 1409). Mais les étudiants allaient généralement dans les universités les plus proches de chez eux, et l'université de Turin, brillante en Italie, n'attirait que peu d'étudiants originaires de l'ouest des Alpes, de même que l'université d'Aix-en-Provence était bien moins accessible que celle d'Avignon. Le collège dispose aussi d'une riche bibliothèque, contenant en 1435 presque cent cinquante ouvrages juridiques. Bien peu de professeurs de droit possédaient un tel trésor. Pour mémoire, en 1435, un livre, véritable œuvre d'art enluminée à la main, coûte le prix de 70 sacs de blé. On imagine bien que pour financer le collège, il faut des mécènes à la fois riches et généreux. Le cardinal de Brogny est effectivement un personnage très important de l'église de cette période. Il fut un des acteurs majeurs, avec l'empereur Sigismond et le duc Amédée, de la résolution définitive du grand schisme d'Occident. On dit même que s'il l'avait voulu, il aurait été élu pape en 1417, mais il se contenta d'organiser l'élection du pape Martin V.

Revenons un instant sur ce qu'est un collège à notre époque, car ce mot est utilisé un peu à tort et à travers. On l'a vu, ses principales activités sont de permettre à des étudiants de se loger, les tarifs des professeurs étant très élevés, et laissant peu de choses pour se trouver un endroit propice à des études. On peut aussi y réviser ses cours grâce aux livres dont dispose le collège. Mais, encore mieux que les livres, certains collèges disposent de répétiteurs, chargés de faire répéter leurs leçons aux étudiants, une méthode plus pédagogique que la simple révision dans des livres. Mais les collèges sont juste complémentaires de l'université, ils ne sont pas l'université. Les répétiteurs ne sont pas professeurs. Souvent il s'agit d'étudiants d'années supérieures, qui font ce travail pour gagner un peu d'argent en plus. Les collèges n'accueillent pas non plus tous les étudiants d'une université. Seul environ un étudiant sur dix bénéficie d'un collège. Bien souvent ce sont les plus pauvres, ceux qui ne peuvent pas s'offrir des études, mais qui ont été jugés prometteurs dans l'enseignement primaire (apprendre à lire, écrire, et chanter, le travail des écoles paroissiales et cathédrales, qui dispensent un enseignement sommaire aux enfants qui envisagent la possibilité de devenir prêtres ou religieux, bien que beaucoup ne le deviennent finalement pas). A ceux-là, un généreux bienfaiteur, religieux ou non, peut parfois offrir une bourse pour payer ses études, d'où le nom que portent parfois ces étudiants, les boursiers. Cependant, avec le temps, les collèges, pour augmenter leur nombre de boursiers, se sont mis à proposer à des étudiants extérieurs l'accès aux livres et aux répétiteurs, contre paiement bien entendu. On n'en est pas à ce qu'il y ait davantage d'étudiants payants que d'étudiants boursiers dans les collèges, mais c'est uniquement grâce au financement des bienfaiteurs.


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MessageSujet: Re: Chroniques de Savoie   Chroniques de Savoie Icon_minitimeSam 9 Juin - 9:50

Août :


1er août 1034 : L'empereur romain Conrad II, dit le salique, reçoit à Genève l'hommage de ses nouveaux vassaux, mettant fin à la guerre de succession de Bourgogne, qui opposait les comtes de Genève et de Bourgogne (ancêtre de la Franche-Comté), rebelles à l'empereur, au marquis de Maurienne (ancêtre de la Savoie), Humbert aux blanches mains, principal chef militaire de l'empereur dans cette guerre.

Le vieux royaume des Burgondes a connu une certaine renaissance avec la disparition des Carolingiens. Les Capétiens ne disposaient en effet à l’origine que de très peu de terres, quasiment toutes rassemblées autour de Paris, et le roi Robert II n’est rien sans son alliance avec l’empereur Conrad, qui considère la Bourgogne comme lui revenant de droit. Conrad est un proche allié de Rodolphe III, dit le fainéant, roi de Bourgogne. Au fil du temps, les Rodolphiens, qui sous les Carolingiens ne gouvernaient que la Transjurane (c’est-à-dire les terres de part et d’autre du Jura, avec Genève comme capitale) ont progressivement pris le contrôle de l'Alsace, puis de la Souabe, de l'Helvétie (Alémanie, Argovie et Rhétie), et même de la Provence. Le duché de Bourgogne est devenu un apanage du frère du roi des Francs, et sert de zone tampon entre royaumes francs et burgondes. Mais les Rodolphiens, bien que rois en Bourgogne transjurane, sont des Germains. Ils se placent de plus en plus dans l'orbite de l'empire de Germanie, avec le temps qui passe. Rodolphe III n’a pas d’enfant, et il lègue par testament son royaume à son neveu l'empereur Conrad II, sonnant la fin du royaume indépendant de Bourgogne. Mais à la mort du roi, en 1032, le fils de sa sœur aînée, Eudes II de Blois, comte de Troyes (ancêtre du comté actuel de Champagne), brouillé à la fois avec le duc de Normandie, avec l’empereur de Germanie et avec le roi des Francs, appelle à la révolte en Bourgogne. Il se fait couronner roi de Bourgogne par ses partisans, en se considérant comme l'héritier naturel de Rodolphe. L'ambitieux comte de Troyes cherche à reconstituer un royaume indépendant entre Francs et Germains, l'ancienne Lotharingie des premiers descendants de Charlemagne.

Les partisans d’Eudes sont nombreux. Mais l'empereur aussi a des alliés. En réponse au couronnement d'Eudes de Troyes, l'ancienne reine de Bourgogne, épouse de Rodolphe, aidée par l’archevêque de Milan, par le marquis de Toscane, et par un illustre inconnu, le comte de Salmourenc (souche de la maison de Savoie), fait couronner l'empereur Conrad roi de Bourgogne, sur les terres des Helvètes alémaniques. Et ce fut la guerre, pendant deux ans. Le comte de Salmourenc, marquis de Maurienne, est le principal chef de guerre de l'empereur dans le sud du royaume (la Provence a accepté la suzeraineté impériale, bien que celle-ci soit surtout théorique, mais sans s'impliquer, et ce sont principalement des hommes d'armes savoyards et italiens qui ont défendu l'empereur dans cette région, l’empereur lui-même combattant en Champagne). Finalement Humbert de Salmourenc prend d'assaut le château de Genève et impose aux révoltés de reconnaître l'empereur comme leur suzerain légitime. Le comte de Genève est un des principaux partisans d’Eudes de Troyes, et quand il est vaincu la plupart des autres rebelles de Bourgogne déposent les armes eux aussi (en particulier l'archevêque de Lyon, et les évêques de Maurienne et de Vienne). Certes, les comtes de Bourgogne (future Franche-Comté) et de Troyes continuent à se battre contre l’empereur, mais leur temps en compté : le comte de Troyes, attaqué à la fois par les Francs et les Germains, est tué au combat par le comte de Verdun, vassal de l'empereur, en 1037. Le comte de Bourgogne se rend peu après, et la Bourgogne est depuis le troisième royaume du saint empire romain germanique, après l'Allemagne et l'Italie. On peut également dater de cette guerre la naissance de la Savoie médiévale, ancêtre de celle que nous connaissons maintenant.

5 août 1401 : Amédée VIII de Savoie achète le comté de Genève, mais la ville de Genève, grâce à son évêque, échappe à la prise de contrôle total par la Savoie. Genève restant en dehors de la Savoie, c'est Annecy, capitale de l'ancien comté de Genève, qui devient une des plus grandes villes de Savoie. La vente du comté ne s'explique que par la disparition du dernier comte de Genève. C'est une immense victoire de la Savoie, d'arriver à absorber la quasi-totalité du très puissant comté de Genève, après quatre siècles de tentatives plus ou moins habilement préparées, et ce même si la ville elle-même reste indépendante.

Le dernier comte de Genève à peu près indiscutable n'est pas très connu en tant que comte de Genève. En revanche, il est assez connu sous le nom de Clément VII, pape en Avignon. Il n'est pas sensé devenir comte de Genève, à l'origine. Mais son frère aîné, comte de Genève, est mort sans descendant en 1392. Les papes n'ayant pas le droit d'avoir d'enfant, bien évidemment le comté ne peut que se retrouver sans seigneur à la mort de Clément VII. Ce dernier meurt en 1394, et c’est le sire de Thoire-Villars qui hérite du comté. Humbert de Thoire-Villars est le fils de Marie de Genève, fille et sœur de comtes de Genève, donc sa parenté avec la dynastie de Genève est indéniable. Mais à Genève les femmes n’ont pas le droit de transmettre des titres, et la succession aurait donc pu être compliquée. Certes les testaments de 1392 et 1394 désignent bien Thoire-Villars comme héritier, mais le testament précédent, celui du comte Amédée III, mort en 1367 et gendre d’Amédée V de Savoie, souhaite qu’à la mort de ses fils ses terres soient rattachées à la Savoie. Heureusement pour les Thoire-Villars, déjà possesseurs de nombreuses terres en Bresse, en Bourgogne et en Dombes, le comte Amédée VII de Savoie est mort en 1391, dans des circonstances très étranges d'ailleurs. Son fils et successeur, Amédée VIII, est encore trop jeune (il a onze ans) pour avoir une réelle autorité sur la Savoie. Un âpre combat juridique s'engage cependant, testament de 1394 contre testament de 1367. Les revenus et la puissance militaire (70 vassaux) du comté de Genève le rendent plus que désirable pour un grand seigneur, et le comte de Savoie estime être le seul grand seigneur entre la Provence et les confédérés, tandis que le sire de Thoire-Villars aimerait bien accéder à l'indépendance.

Thoire-Villars et Savoie se dressent donc l'un contre l'autre, bien qu'étant liés par un serment de vassalité. Dans un premier temps, en 1395, Humbert de Thoire-Villars obtient le droit de garder le comté, grâce à l'intervention du puissant duc de Bourgogne. Bien qu'accepté par l’empereur Venceslas, ce triomphe est bref. Humbert meurt en effet peu de temps après, et Amédée de Savoie revient donc à la charge, et cette fois les rôles s’inversent. Dès 1400 l'empereur Venceslas délie tous les vassaux genevois d’Odon de Thoire-Villars de leur serment de vassalité. Odon doit accepter qu'à sa mort son comté soit donné à la Savoie, qu'il ait ou non un fils, en échange de l'arrêt des sanctions impériales. Mais c'était encore trop peu pour le comte de Savoie. Amédée VIII s'étant marié avec la fille du duc de Bourgogne, celui-ci abandonne Thoire-Villars et soutient son gendre. Et c'est une très diplomatique mais très ferme intervention du royaume de France qui finit par convaincre Odon de vendre le comté de Genève à Amédée. Il faut noter que la ville de Genève s’était donnée à son évêque il y a bien longtemps (c’est le traité de Seyssel, en 1124, qui donne la ville à l’évêque), et que le comte Odon, ne la possédant pas, n’a pas pu la vendre. C'est cependant principalement grâce à l'acquisition du comté de Genève (dont la capitale officielle est Annecy, et non Genève, totalement enclavée) et à la puissance qu'elle apporte, que le comté de Savoie devient quinze ans plus tard un duché. Il faut préciser que le prince d'Orange, neveu et héritier d’Odon dans les années 1420, a tenté de faire invalider la vente, pour se faire attribuer le comté. Il faillit bien réussir, mais les vigoureuses protestations Amédée VIII finirent par rattacher définitivement Genève (ou plutôt le Genevois) à la Savoie.

7 août 1396 : Othon de Grandson, conseiller de la précédente comtesse, régente de Savoie, est tué par Gérard d'Astavayer au cours d'un duel judiciaire, le fameux jugement de Dieu, suite à l'accusation selon laquelle Grandson serait responsable de la mort du comte Amédée VII de Savoie, surnommé le comte rouge. On ignore toujours aujourd'hui si le comte est bien mort assassiné, ou si c'est juste un accident de chasse tragique. Tout ce qu'on a c'est l'accusation portée par le médecin d'Amédée VII, mis à mort peu après. Et on n'a de toute façon aucune preuve que Grandson soit lié à cette mort. Mais pour la justice la situation est claire : si le comte est mort sans explication médicale, c'est qu'il y a eu assassinat, et si Grandson a perdu son duel, c'est que le commanditaire de l'assassinat c'est lui.

Bonne de Bourbon est la fille du duc Pierre 1er de Bourbon, la sœur du roi Philippe VI de France, et l'épouse du comte Amédée VI de Savoie, tous des seigneurs à la vertu chevaleresque quasiment légendaire. A la mort de son fils, le comte Amédée VII, en 1391, elle devient la régente du comté de Savoie. Elle le reste jusqu'en 1393, suite à la minorité de son petit-fils Amédée VIII, et malgré quelques sérieuses oppositions, en particulier celle de l'épouse du défunt comte, elle-même fille du duc de Berry et tutrice naturelle d'Amédée VIII. Bonne de Bourbon est alors surnommée madame la grande. Tout pourrait être simple si Amédée VII n'était pas mort en pleine santé et sans la moindre explication plausible. En effet, Amédée VII était un grand chasseur, très expérimenté et une réelle force de la nature. Mais au cours d'une chasse au château de Ripaille, il se sent soudain mal, après une coupure apparemment banale, et en tout cas parfaitement inoffensive pour un seigneur de guerre comme lui. Il demande à voir un médecin (un sorcier aurait pu déceler le tétanos, mais quel comte fait appel devant tout le monde à un sorcier ?). Ce médecin, Jean de Granville, lui fit boire une potion pour lui rendre ses forces, et l'envoya se reposer. Le comte est retrouvé quelques temps après dans sa chambre, tous les muscles paralysés, et avec sur le visage un sourire effrayant. Il ne respire plus. La rumeur d'un assassinat naît presque instantanément, et après un long procès, un an après la mort du comte, l'apothicaire qui avait préparé la potion est étranglé par décision de justice, à Chambéry. Le médecin lui est torturé, et accuse la comtesse-mère, régente de la Savoie à l'époque, d'avoir commandité l'assassinat de son fils, avec la complicité de son conseiller Othon de Grandson. Granville meurt peu après, sans qu'on sache s'il a menti ou non, mais Grandson et madame la grande sont à cause de lui des suspects, c'est-à-dire des quasi-coupables, aux yeux de la population.

La grande madame fut forcée d'abandonner la régence, mais ses très puissantes relations familiales empêchèrent que les choses n'aillent plus loin, personne n'ayant la moindre preuve de sa culpabilité. Grandson, lui, dut s’exiler en France, craignant pour sa vie. Il ne revient qu'en 1396, pensant que l'affaire s'était calmée. Hélas pour lui, la situation est toujours très explosive en Savoie. Bien que déclaré innocent par les tribunaux, il est toujours un coupable aux yeux d'une grande partie de la population. Ses accusateurs et ses partisans forment deux blocs monolithiques, et la guerre civile menace de tout emporter. Pour tenter de ramener le calme, le jeune comte Amédée VIII ordonne le jugement de Dieu, à contrecœur dit-on. Toute la cour, de même que des représentants de la plupart des communes de Savoie, et une foule de curieux, se rassemble le septième jour du mois d'août, dans la ville de Bourg, pour assister au duel. Grandson est vaincu par son adversaire, et comme donner la mort est interdit dans un jugement de Dieu, Grandson a simplement les mains coupées. C'est le châtiment des assassins. Il n'y survécut de toute façon que quelques heures. Le comte Amédée VIII annule peu après la possibilité de recourir à un duel judiciaire dans les États de Savoie. Bien que très probablement un peu traumatisé par la mort de Grandson, Amédée jugeait surtout cette coutume sans rapport avec la justice. Il faut noter que chez les Français, à cette époque, les duels judiciaires ont également prouvé qu'ils entraînaient des erreurs judiciaires. Mais contrairement à la Savoie, la France n'a jamais interdit ces duels. Ils sont l'occasion pour la noblesse de prouver son habilité aux armes, chose qu'elle valorise beaucoup. Même en Savoie, il arrive que les plus traditionnels aient encore recours aux armes, quand c'est la parole de l'un contre celle de l'autre, et qu'il n'y a pas de preuve matérielle. Mais personne n'ose utiliser le résultat d'un duel comme preuve devant un tribunal, ce qui est toujours possible en France, et qui était possible en Savoie avant 1396.

15 août 1309 : Une expédition européenne participe à la prise de Rhodes aux côtés des chevaliers de l’Hôpital. Restés seuls avec les chevaliers après le départ des autres européens, les chevaliers savoyards, menés par Philippe de Piémont, vassal et conseiller du comte Amédée V de Savoie, repoussent également une attaque massive de l'empire ottoman, et scellent une alliance qui dure toujours aujourd'hui entre les Chevaliers de Rhodes et la Savoie.

L'ordre des chevaliers de l'Hôpital, fondé un peu avant la première croisade en Terre Sainte, et chassé avec les autres Latins par les armées sarrasines en 1291, est encore basé à Chypre, en cette année 1309. Mais contrairement à d'autres ordres, il ne souhaite pas revenir en Europe, et pense depuis des années à s'implanter dans l'île de Rhodes, située plus à l'ouest. Plusieurs grands maîtres de l'ordre font des projets d'invasion, mais Rhodes est partagée entre plusieurs grandes puissances, et est trop bien défendue pour les forces pourtant importantes de l'ordre. Un des grands maîtres, Foulques de Villaret, a alors l'idée d'acheter leurs droits aux Génois, vassaux théoriques de l'empereur byzantin, et de faire appel au pape pour s'emparer du reste. Le pape de l'époque est Clément V, le même qui s'est englué dans le procès de l'ordre du Temple deux années plus tôt. Il accepte avec enthousiasme d'appeler les Francs à une nouvelle croisade, pour tenter de faire oublier l'image désastreuse que le procès des Templiers donne aux moines-soldats. Il y a tellement de volontaires pour répondre à l'appel du pape que les chevaliers de l’Hôpital ne peuvent transporter tout le monde, et se permettent de choisir ceux qu'ils vont transporter sur leurs navires. Les soldats savoyards d'Amédée V, dit le grand, sont parmi les premiers à être choisis, et l'alliance des croisés et des hospitaliers met le siège devant Rhodes. A l'origine, il n'y avait que quelques pirates sarrasins et grecs dans l'île, mais l'empire byzantin, malgré l'achat des Génois, profita de l'attaque des croisés pour envoyer aussi son armée, et tenter de reprendre le contrôle total de l'île, en aidant les grecs de Rhodes. Les latins remportent une victoire écrasante, les Byzantins sont renvoyés chez eux et la plupart des Sarrasins prend la fuite vers le continent.

Mais quelques semaines après la fin des combats, alors que les derniers croisés sont repartis en Europe, et avant même que les chevaliers de l'Hôpital (aussi appelés Hospitaliers) ne finissent de reconstruire les remparts de Rhodes, qu'ils avaient eux-mêmes détruits dans l’assaut quelques jours avant, le Grand Turc, sultan des Ottomans, tente de débarquer dans l'île avec ses troupes. Son empire est encore plus proche de Rhodes que l'empire byzantin, et les Sarrasins ayant fui l’arrivée des chevaliers de l’Hôpital l'ont alerté dès qu'ils l'ont pu. Le sultan refuse l'idée que d'horribles hérétiques infidèles s'installent sur sa frontière : il sait à quel point les Hospitaliers sont redoutables pour ceux qui n'ont pas la même religion qu'eux. Heureusement pour les Hospitaliers, le sultan dispose d'une flotte nombreuse, mais très médiocre, et ses guerriers se font tailler en pièces. Certains écrivains et chroniqueurs ont prétendu qu'Amédée V, en envoyant ses soldats à Rhodes, avait sauvé l'île. C'est peut-être le cas, mais en l'absence totale de la moindre preuve, tout ce qu'un historien peut dire, c'est que les chevaliers de l'Hôpital se sont sauvés eux-mêmes. La devise savoyarde Fert n'a donc peut-être pas de lien avec Rhodes, à moins bien sûr que les comtes de Savoie aient eux-mêmes cru que leurs soldats aient permis aux Hospitaliers de triompher des Turcs, ce qui est possible aussi, puisque les Hospitaliers ont toujours confirmé la participation de l’expédition savoyarde aux combats. Ce dont on est sûr c'est que les chevaliers de l'Hôpital sont désormais appelés chevaliers de Rhodes, et en tant qu'état théocratique et souverain, sont des alliés fidèles de la Savoie. Ils tiennent autant à être alliés à la Savoie que la Savoie tient à être alliée avec eux.

18 août 1304 : Amédée V participe avec son fils et ses vassaux à la campagne de Flandres, aux côtés de son allié Philippe IV de France. Une semaine après que les Franco-Génois de l'amiral Rainier Grimaldi aient anéanti la flotte du comte de Flandres, les Franco-Savoyards infligent une écrasante défaite au comte, sur terre cette fois, à Mons-en-Pevèle. Elle met fin à la guerre, et couvre les Savoyards de gloire, collectivement et pour le rôle du jeune Édouard de Savoie.

La révolte du comte de Flandres débute en mai 1302, bien avant l'intervention des Savoyards. Mais les Français ont d'abord voulu intervenir seuls. Robert d'Artois, neveu de Saint Louis, est envoyé quelques semaines plus tard en Flandres, à la tête de l'armée royale, pour mâter le comte et ses fils. De façon assez incroyable, les Français sont vaincus, et même écrasés, voire carrément humilié, à la bataille dite des éperons d'or (les Flamands ont pris leurs éperons à tous les chevaliers français morts ou faits prisonniers lors de cette bataille, et les gardent en trophées). Le comte de Flandres se méfient de la noblesse de Flandres, qu'il pense susceptible de rejoindre le roi, et n'embauche donc dans son armée que des paysans, des ouvriers et des bourgeois, ces derniers n'ont donc pas de scrupules à humilier les nobles. Pendant toute l'année 1303, les Flamands harcèlent les frontières françaises, et le roi Philippe n'a plus rien à leur opposer. Il lève donc des impôts exceptionnels, pour recruter de nouvelles troupes, et surtout fait appel à ses alliés. Rainier Grimaldi, une espèce de corsaire installé à la frontière de Gênes et de la Provence, prend la tête de la flotte française, et entreprend d'intercepter les approvisionnements (en armes et en nourriture) que le roi d'Angleterre envoie aux révoltés de Flandres, ses alliés naturels. Après des mois d'efforts, les navires anglais quittent la zone, et la flotte des félons est même mise en pièce au large de la Hollande. Philippe et Amédée ont déjà fait entrer leurs quelques soixante mille hommes en Flandres quand ils apprennent la victoire de Rainier. Ils foncent alors sur Lille, espérant pouvoir capturer le comte, et mettre ainsi fin à la guerre. Mais ils sont stoppés par l'armée flamande dès le 14 août. L'armée flamande compte quatre-vingt mille hommes : les révoltés ont fait venir un grand nombre de mercenaires des petits états d'Outre-Rhin.

Devant l'énormité des effectifs de part et d'autres, des négociations sont entamées. Elles n'aboutissent cependant pas, les deux camps pensant avoir de bonne chances de vaincre si la bataille est décidée, mais refusant d'être responsable de l'ouverture des hostilités. Mais le combat finit par s'engager, au matin du 18 août. C'est une totale opposition de style. Du côté français, les catapultes, scorpions et trébuchets sont à la pointe de la technologie, tandis que les Flamands comptent sur le nombre et le choc de leurs troupes au corps-à-corps. La chevalerie franco-savoyarde, en chargeant, parvient à repousser les Flamands et à s'emparer des réserves d'eau. Après plusieurs heures de combat, pendant lesquelles les archers et arbalétriers flamands font des ravages dans les rangs franco-savoyards, et où les engins de guerre des Français sont presque tous détruits, la chaleur devient de plus en plus dure à supporter pour les Flamands assoiffés. Ils décident alors de tenter le tout pour le tout, et chargent le camp royal, où le roi Philippe se rafraîchit. Ce dernier doit défendre sa vie avec toute l'énergie du désespoir, car ses gardes du corps tombent les uns après les autres, tandis que les Flamands semblent toujours aussi nombreux. A la fin, il ne reste que deux combattants aux côtés du roi Philippe. L'un des deux est Édouard, fils d'Amédée V de Savoie. Amédée organise une charge avec toutes les troupes disponibles, et le choc met les Flamands en déroute, à temps pour que le roi Philippe et le futur comte Édouard restent en vie. En récompense, Philippe adoube Édouard immédiatement, directement sur le champ de bataille. Édouard était jeune encore, en 1304. Mais vingt ans plus tard il devint le quinzième comte de Savoie, et fut surnommé le libéral. Les bonnes relations entre la France et la Savoie doivent beaucoup à Édouard. Privée de roi, non seulement la France aurait encore perdu la guerre, et n'aurait sans doute jamais pu récupérer les Flandres ensuite, mais elle se serait complètement effondrée sur elle-même.

22 août 1419 : Une expédition de cavaliers nomades menés par un dénommé André de Petite-Egypte s’installe dans le village de Châtillon en Dombes, un petit village situé près de Bourg. Ce sont les premiers Tsiganes de Savoie, et ils restent encore plusieurs années dans le Saint-Empire Romain avant d’oser franchir la Saône et s’aventurer en France.

Les Tsiganes ne sont pas, malgré ce que l’on pense parfois à cause du nom « Bohémiens », des voyageurs originaires de Bohème. Ils viennent de bien plus loin, des mythiques et exotiques provinces de l’Inde. On pense que ces Indiens ont quitté leur pays suite aux invasions persanes (et arabes) du dixième siècle, qui réduisaient les indigènes en esclavage. Au XIIIe et XIVe siècle, ils arrivent dans l’empire byzantin, on les signale en particulier en Crète et en Grèce, et c’est là qu’ils reçoivent le nom d’athiganos (qui signifie « ceux qui ne se touchent pas », car selon la coutume indienne, ils se saluent en s’inclinant face à leur interlocuteur, sans se toucher, une coutume étrange pour les Grecs ; le mot athiganos deviendra le mot zingaros, et le mot zingaros deviendra le mot tsiganes, avec le temps et la prononciation en cours dans les différentes régions d’Europe. L’empire byzantin n’est pas sûr pour les athiganos, à cause des guerres interminables entre Byzantins et Ottomans. Ils sont même réduits en esclavage dans de nombreuses régions d’Europe centrale, pour compenser la perte de main d’œuvre due à la guerre, et décident alors de fuir ce que leurs ancêtres avaient déjà fui en Inde, et à aller encore plus à l’Ouest. En 1415 ils franchissent la frontière du Saint-Empire Romain, et en 1417, l’empereur Sigismond leur accorde un laisser-passer valable dans tout l’empire. En 1418 ils sont en Helvétie, en 1419 en Savoie et Provence, en 1420 en Lorraine et en Flandre. En 1422 ils sont à Bologne, en Italie, pour négocier un laisser-passer dans tous les pays fidèles à Rome, semblable à celui qu’ils ont obtenu de l’empereur. Nul ne sait pourquoi ils ont échoué, et on n’est même pas sûr qu’ils aient échoué. Toujours est-il que selon les spécialistes, la bulle de Martin V qui étend à toute l’Europe les privilèges acquis en Empire serait un faux.

En 1423, le chef des Tsiganes se nommait Ladislas, et Sigismond, roi de Bohème, leur a accordé sa protection pleine et entière, en plus du laisser-passer accordé en 1417. Le texte, adressé à tous les habitants de l’empire, mentionne que « si Ladislas et ses gens apparaissent en un quelconque endroit de notre empire, en ville ou à la campagne, vous êtes prié envers eux de la même fidélité que vous avez à mon égard. Protégez-les pour que Ladislas et son peuple puissent séjourner sans préjudice entre vos murs. S'il y a parmi eux un ivrogne ou un bagarreur, nous voulons et ordonnons que Ladislas soit le seul à avoir le droit de juger, de punir, de pardonner, et de l'exclure de votre cercle. ». Les protégés de Sigismond, roi de Bohème, ont dès lors été appelés Bohémiens. Tous les chefs tsiganes portaient une copie de la décision de l’empereur Sigismond, et tant qu’ils sont restés sur le territoire impérial, ils ont joui d’un traitement exemplaire. Le peuple et la plupart des nobles les traitaient comme des aristocrates, et les prenaient pour des cavaliers au service personnel de l’empereur (il faut signaler que les Tsiganes des années 1420 voyageaient à cheval et en armes sur le territoire de l’Empire, comme des seigneurs, et non en roulotte, comme des voyageurs). Hors de l’empire, l’empereur n’a pas d’ordre à donner, mais les Tsiganes entrent tout de même en France, royaume bien moins tolérant que le saint-empire, car déchiré par la guerre (Armagnacs et Bourguignons n’ont cessé de s’entretuer qu’en 1435, sans oublier les Anglais et les Navarrais). Devant cette situation troublée, certains Tsiganes vont en Espagne, d’autres sont à Paris en 1427, puis atteignent la Bretagne et l’Angleterre en 1430.

23 août 1366 : Amédée VI de Savoie s'empare de la forteresse turque de Gallipoli, au cours d'une des croisades personnelles de la Savoie. Gallipoli est une des bases d'attaque de l'empire ottoman contre l'Europe, située dans le détroit des Dardanelles. Le comte s'empare également de plusieurs autres forteresses turques, mais moins importantes, et les restitue toutes à l'empire byzantin avant de rentrer en Savoie une fois sa tâche accomplie.

On l'a vu, les croisades sont une tradition en Savoie. L'église n'a pas une puissance démesurée dans la province, mais on considère en Savoie que le comte l'est par la grâce de Dieu, et qu'il est donc obligé d'apporter son aide militaire à l'église, en remerciement de cette grâce. Il n'y a pas que la glorieuse (mais inefficace) deuxième croisade d'Amédée III, et la honteuse (mais très efficace) quatrième croisade du régent de Thomas 1er. On se souvient des expéditions savoyardes à Rhodes, en terre Sainte et à Chypre. Turcs et Sarrasins, trompés par la ressemblance des emblèmes occidentaux, en sont arrivés à parfois confondre les Savoyards avec un autre ordre de moines combattants, comme par exemple les templiers ou les hospitaliers ! Amédée VI, le fameux comte vert, reprend cette tradition et décide de prendre la tête de quinze galères de combat, qu'il fait construire à Gênes, Venise et Marseille avec ses deniers personnels. Et au printemps 1366 il quitte la Savoie à la tête de 1500 hommes, vassaux, volontaires, et mercenaires milanais, français et allemands. Aux frontières de l'Europe, l'empire byzantin est en bien mauvaise posture face aux troupes de l'empire ottoman. Les Turcs contrôlent désormais les deux rives des Dardanelles, un des deux détroits qui permettent de passer en Europe en venant d'Asie. Gallipoli, ancienne forteresse byzantine, a été conquise par les Turcs douze ans plus tôt, en 1354. C'est par là qu'ils envoient leurs troupes en Europe. Amédée décide donc de s'emparer de Gallipoli, pour que les Byzantins puissent massacrer les Turcs aventurés en Europe et coupés de leurs lignes arrières par la croisade. Le comte de Savoie considère que l'église d'Orient est la sœur quasi-jumelle de celle d'Occident, et qu'il faut la défendre face aux infidèles que sont les Turcs. L'église d'Occident est basée à Avignon, à cette époque (elle a quitté Rome depuis cinquante ans, suite à la révolte des Romains). Et elle ne partage pas du tout ce point de vue, considérant l'église d'Orient comme une hérésie.

L'armée d'Amédée quitte Venise en juin, et débarque dans les Dardanelles à la fin du mois d'août. Après cinq jours de siège, le 23 août, la garnison de Gallipoli se rend aux Savoyards. Le plan semble être un succès, et Amédée part donc pour Constantinople avec ses troupes. Hélas, à Constantinople il se rend compte que les Byzantins sont en train de se déchirer dans une guerre civile, et qu'ils sont dans l'incapacité de s'opposer aux Turcs. L'empereur byzantin est même prisonnier aux mains des Bulgares, alliés aux rebelles byzantins. Amédée reçoit alors des renforts de l'impératrice byzantine et part vers le Nord avec ses troupes pour attaquer les Bulgares. Amédée leur prend deux villes, et leur en rend une en échange de la libération de l'empereur. Il vend l'autre aux Byzantins (pour quinze mille florins, qui ne furent jamais payés en totalité). Mais il est venu pour combattre les Turcs, pas pour faire la police dans l'empire byzantin. Il quitte donc Constantinople et part libérer plusieurs forteresses byzantines conquises par les Turcs du côté européen des Dardanelles. En juin 1367, un an après son départ de Venise, le comte se rend compte que la guerre civile dure toujours entre l'empereur byzantin et les rebelles. Les Byzantins n'ont aucune envie de s'opposer aux Turcs avant que l'un des deux camps ait été vaincus. Les Savoyards rembarquent donc, restituent à l'empereur toutes les forteresses conquises pendant l'expédition, y compris Gallipoli, et rentrent chez eux, blasés. De retour chez lui, le comte est acclamé par la population et par l'église (le pape Urbain V, de retour à Rome juste à ce moment, partage désormais le point de vue d'Amédée sur la nécessaire aide de l'Occident à l'Orient face aux infidèles). Échec militaire et politique total, à cause de la politique intérieure byzantine (Gallipoli est même rendu aux Turcs par l'empereur byzantin, en échange de leur aide pour combattre les rebelles !), cette croisade est un succès diplomatique majeur pour la Savoie, et augmente énormément son prestige, surtout auprès de l'église.

26 (et 27) août 1346 : Deux mille soldats savoyards traversent la France pour aller se battre en Picardie, sous les ordres du roi Philippe VI de France, en guerre contre les Anglais. La bataille de Crécy est la première bataille terrestre de la fameuse guerre de cent ans entre la France et l'Angleterre. Elle est dramatique pour la France, mais n'a pas de conséquences réelles pour la Savoie, hormis la mort de son régent, que les Français n'oublieront pas quand il faudra négocier avec les Savoyards par la suite.

En 1346, le jeune comte Amédée VI de Savoie, âgé de 13 ans, est forcé par un cousin éloigné, le duc d'Orléans, d'accepter d'aider militairement la France face à l'invasion anglaise. Le duc d'Orléans est l'héritier de la duchesse de Bretagne, elle-même sœur aînée du comte Amédée VI de Savoie. A ce titre, le duc d'Orléans peut demander une partie des terres d'Amédée, en tant qu'héritage de la duchesse de Bretagne. Amédée n'a pas le choix. Pour éviter de donner des terres, les Savoyards envoient leurs soldats. Voilà pourquoi des Savoyards se sont retrouvés à Crécy. La bataille de Crécy est comme chacun sait une bataille où l'armée française, qui comptait environ cinquante mille combattants, a été battue et ridiculisée par les Anglais, dont l'armée ne comptait pourtant qu'entre huit et douze mille combattants. La taille de l'armée française s'explique par le fait que de nombreux souverains étrangers sont venus apporter leur aide à la France (pas toujours volontairement, comme on le voit avec la Savoie). Jean 1er, roi de Bohème et de Pologne, empereur sans couronne du Saint Empire, et son fils et successeur Charles IV, sont présents. Les Savoyards et les Lorrains sont là, avec nombre de seigneurs allemands. De nombreux mercenaires de Gênes et de Castille sont également dans le camp français, ainsi que les troupes du roi de Navarre. Le premier jour de la bataille (qui en compte deux), un orage éclata, mais au lieu de reporter le combat au lendemain, les Français chargèrent. La pluie réduisait la puissance de tir des Génois, équipés d'arbalètes, tandis qu'elle augmentait celle des Anglais, équipés d'arcs longs. Les arbalétriers Génois, envoyés donner l'assaut de la colline où sont postés les Anglais, épuisés par la montée à cause du poids de leur arme, encore augmenté par la pluie, sont assaillis par des nuées de flèches anglaises. Devant leurs lourdes pertes, ils se replient, enfreignant leurs ordres formels. Les Français chargent alors leurs alliés Génois, qu'ils considèrent comme des traîtres, et les massacrent. Inutile de dire l'effet que ça produit sur le moral des troupes étrangères venues aider les Français.

Quand ils ont fini de massacrer les Génois, les Français chargent les Anglais, sous la pluie, avec une visibilité très faible, et alors que ces derniers ont choisi leurs positions et bénéficient d'un terrain très favorable, qui réduit fortement la capacité des Français à manœuvrer. Il est possible, mais pas certain, que les Anglais aient utilisé des canons à Crécy. Si c'est le cas leur nombre fut très faible, et leurs effets plus que limités (un seul chroniqueur en parle, et sa fiabilité est incertaine). Peut-être ces canons ont-ils été utilisés pour effrayer les chevaux des Français, mais c'est difficile à croire. Il semble que les archers anglais aient simplement abattus les chevaux français, empêchant la nombreuse chevalerie française d'arriver au contact et d'écraser les lignes anglaises sous leur simple poids. L'armée savoyarde ne participa qu'au deuxième jour de la bataille (comme toujours l'impatience des combattants français s'oppose ici de façon très visible à la prudence des combattants savoyards), et ses pertes ne furent pas aussi élevées que d'autres armées. On sait que Jean 1er de Bohème et de Pologne, qui était aveugle, a ordonné d'être attaché sur son cheval pour lui permettre de combattre à Crécy. Nul ne sait si les Anglais l'ont tué au combat ou s'il est mort écrasé par son cheval, quand ce dernier a été abattu par les archers anglais, mais c'est à Crécy que son fils Charles a gagné sa couronne d'empereur du Saint Empire Romain. Le duc de Lorraine aussi a péri là-bas, de même qu'une demi-douzaine de grands seigneurs allemands, sans oublier le baron de Vaud (actuel canton de Lausanne), régent de Savoie pendant la minorité de son neveu Amédée VI. La bataille a coûté environ six mille combattants aux Français et à leurs alliés, contre environ deux cents aux Anglais. Crécy marque le début de la fin de la chevalerie en tant qu'ordre militaire d'élite. La supériorité d'une armée professionnelle, régulière et diciplinée sur une cohue féodale, certes courageuse, mais d'un autre temps, permet aux Anglais de mettre la France à genoux.


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MessageSujet: Re: Chroniques de Savoie   Chroniques de Savoie Icon_minitimeSam 9 Juin - 10:34

Septembre :


6 septembre 1032 : A la mort du roi Rodolphe III de Bourgogne, Humbert aux blanches mains, seigneur dans le comté de Vienne et dans la vallée de Maurienne, frère de la reine de Bourgogne, prête immédiatement allégeance à l'empereur Conrad II. Il agit ainsi conformément au testament du roi Rodolphe, et devient le chef de guerre de l'empereur dans l'ancien royaume de Bourgogne, sous le titre de marquis de Maurienne. Il est le fondateur de la dynastie des Savoie, même si la Savoie actuelle est largement plus puissante, plus étendue et plus riche que la Maurienne d’Humbert.

Dans son testament, le roi Rodolphe III, dernier souverain indépendant de Bourgogne, lègue l'intégralité de son royaume à son neveu l'empereur Conrad II, saint empereur romain. Suite à la révolte de ses vassaux, le roi avait en effet jadis (vers l'an mil) fait appel à l'empire pour que ce dernier ramène le calme en Bourgogne, et l'impératrice Adélaïde, sœur de Rodolphe, s’était déplacée en personne. Dès lors, l'empereur romain Henri II devint en pratique le suzerain du roi Rodolphe III. A la mort d'Henri II les vassaux de Rodolphe se révoltèrent encore une fois, pour que le royaume reprenne son indépendance, mais malgré cela Rodolphe fit allégeance au nouvel empereur, Conrad II, son propre neveu. Rodolphe n'avait pas de fils. Il décida donc de tout léguer à l'empereur, à sa mort. Mais l’impératrice Adélaïde n’était que la deuxième sœur de Rodolphe. Le droit d'aînesse désignait normalement comme héritier de la Bourgogne le fils de la sœur aînée de Rodolphe, Eudes de Blois, comte de Troyes. Une guerre civile connue sous le nom de guerre de succession de Bourgogne éclata. Certains des vassaux de feu le roi Rodolphe soutinrent Eudes et d’autres Conrad. Le principal fidèle d’Eudes est l’archevêque de Lyon, demi-frère du roi Rodolphe, et puissant prince à la fois séculier et religieux. Les comtes de Genève, où se trouve la capitale de la Bourgogne, et le comte de Bourgogne (future Franche-Comté) prennent aussi les armes pour Eudes. Mais d'autres se comportent différemment. Humbert, comte de Salmourenc, près de Vienne, et seigneur de la vallée de Maurienne, soutient en effet l'empereur et la validité du testament de Rodolphe III. Il faut dire qu’Humbert est le frère de la reine de Bourgogne Hermengarde, et que c’est la reine qui a en pratique fait le testament de son mari.

Nombre de fiefs sont passés du domaine royal de Rodolphe III au domaine privé de la reine Hermengarde, puis dans le domaine d’Humbert, par donations successives. Le comte Humbert est ainsi propriétaire de nombreuses terres situées bien loin du comté de Vienne, principalement sur les deux rives du lac Léman, et en Maurienne. L'armée d'Eudes envahit la Bourgogne et les troupes impériales, sous le commandement d'Humbert de Maurienne, nommé commandant de la marche de Maurienne (autrement dit marquis de Maurienne), sont d'abord repoussées. Elles finissent cependant par gagner la guerre, et pour la petite histoire, elles ne réussirent que grâce à une alliance militaire avec le roi des Francs, Henri 1er. Mais c'est grâce à cette guerre que la Savoie, dès le tout début de son appartenance à l'empire, en a été un des éléments les plus favorisés par l'empereur (après les provinces allemandes, naturellement). C'est en effet suite à la victoire d'Humbert que l'empereur le nomme comte de Maurienne. Humbert, à la tête des troupes impériales, s'empare de Saint-Jean-de-Maurienne, la capitale de l’évêché de Maurienne, rase la ville, et obtient de l'empereur toutes les terres de l'évêque félon, partisans d’Eudes. Désormais il est le suzerain de nombreuses terres voisines de la Maurienne, sur le territoire de la future Savoie. Il fixe la première capitale du comté au château de Charbonnière, en Maurienne, et cette résidence comtale est celle de tous ses descendants pendant deux siècles. Deux de ses fils sont devenus comtes de Maurienne après lui, et ses deux autres fils sont devenus évêques de Lyon et Sion. Sa fille unique a quant à elle été mariée au comte d'Albon, autre partisan de l’empereur dans la guerre (et ancêtre d’une autre grande famille, celle des Dauphins, les fondateurs du Dauphiné).

13 septembre 1452 : Louis 1er de Savoie achète le Saint Suaire. Cette importante relique, rapportée d'Orient pendant les croisades en Terre Sainte, puis sortie de France par mesure de sécurité, devient alors un des fleurons de la couronne savoyarde, et un sujet de fierté pour les Savoyards, une communauté plus proche de la religion aristotélicienne des premiers jours que de la version qu'en donne l'église de Rome.

Tous les Aristotéliciens le savent, Christos est mort il y a de nombreux siècles de cela, sur une croix. Mais ce que certains ignorent peut-être, c'est que dans la région et à l'époque où Christos a été crucifié, la coutume est d'envelopper les cadavres dans un drap. Ce drap est appelé le linceul, et la partie qui couvre le visage est appelée le suaire. Les objets touchés par les saints de l'église aristotélicienne deviennent généralement des reliques, créant ainsi des pèlerinages. Alors une relique de Christos, un des deux prophètes de l'église, on imagine bien que c'est une des reliques les plus importantes au monde. Le suaire de Christos, dont une des particularités visible est que le visage du cadavre qu'il a contenu est imprimé sur le tissu, a pris le nom de saint suaire, assez rapidement. Après la mort de Christos, le saint suaire a d'abord été perdu assez longtemps, du moins d'après les informations dont on dispose en Europe. On le retrouve à Constantinople quand la ville est pillée par les Croisés, en 1204. Il est envoyé à Athènes, et un siècle après, sans qu'on sache vraiment comment il l'a obtenu, un dénommé Geoffroy de Charny l’a en sa possession. C'est un chevalier de Champagne, porte-oriflamme du roi Philippe VI de France, puis du roi Jean II de France. Charny est tué à la bataille de Poitiers, en 1356, en défendant son seigneur. La guerre de cent ans et ses bandes de routiers incontrôlables pousse les héritiers de Charny à mettre le suaire en sécurité dans l'empire, en Franche-Comté plus précisément. Le suaire est ensuite prêté au duc de Savoie, puis une vente est conclue : le suaire contre un château. Le duc de Savoie Louis 1er fait aménager la chapelle du château de Chambéry pour montrer la relique au peuple, et des pèlerinages se créent rapidement.

Avant même la vente au duc de Savoie, le clergé de Rome doutait de l'authenticité du suaire. Au début du XVe siècle, le Pape de Rome fit interdire d’exposer la relique, mais le pape d'Avignon, lui, l'autorisa. L'église romaine critiquait le fait que le saint suaire n'est jamais cité dans le dogme, et c’est vrai. Mais c'est elle-même qui a composé le dogme, en décidant arbitrairement quel texte devait ou non en faire partie. Une foule de témoins fiables citent le saint suaire, mais leurs témoignages n'ont simplement pas été retenus par les évêques chargés de rédiger le dogme. Si l’église avait admis l'existence du saint suaire, elle jetait le doute sur la vita de Christos, et même sur l’ensemble du dogme aristotélicien, ce qu'elle a toujours refusé de faire bien entendu. De nombreux prêtres et évêques, à l’image des papes d’Avignon, admettent cependant la valeur des textes apocryphes, c'est-à-dire complets mais non reconnus officiellement. Le prestige du duché de Savoie augmente donc très significativement avec la possession du saint suaire. Pour tous, la protection du Très Haut est sur la Savoie, puisqu'une des plus puissantes reliques au monde s'y trouve (le roi de France possède la sainte couronne et l'empereur germanique a la sainte lance, ce qui place le duc de Savoie au même niveau que de très prestigieux souverains). La possession d'une relique n'est en effet pas juste un acte de foi, même si les ducs de Savoie ont toujours étés pieux. C'est aussi un puissant acte d'autonomie : temporelle vis-à-vis de l'empereur, qui ne possède qu'une relique de même importance, et spirituelle vis-à-vis de l'église, dont le dogme est remis en question. Rappelons que le schisme savoyard n’est achevé que depuis trois ans : on ne peut pas dire que Rome est d’avantage que tolérée en Savoie dans les années 1450.

20 septembre 1435 : Amédée VIII de Savoie organise la première conférence internationale et tente de mettre fin à la guerre de cent ans. La guerre continue malgré tout après le traité d'Arras, mais la Bourgogne, en échange de la paix, y gagne son indépendance vis-à-vis de la couronne de France, ce dont elle sera toujours reconnaissante à la Savoie.

Les premiers combats de ce que Français et Anglais appellent la guerre de cent ans ont eu lieu en 1337. A cette époque, Bretons et Bourguignons servaient dans l'armée du roi de France, contre les Anglais, mais au fil du temps la France s'est affaiblie de plus en plus, et ses défaites militaires lui ont coûté ses alliés. Mais surtout une autre guerre s’est greffée sur la guerre entre Français et Anglais : la guerre civile des Armagnacs contre les Bourguignons (deux partis français) empêcha totalement les Français de s’opposer aux Anglais, jusqu’à sa fin en 1435. Avant 1420, Jean, duc de Bourgogne, voulait devenir roi de France, et faisait donc son possible pour affaiblir les deux autres candidats à la couronne, le Français et l'Anglais. Mais en 1419 le dauphin de France a fait assassiner Jean de Bourgogne. Ce dernier avait en effet fait assassiner son rival, le duc d'Orléans, oncle du dauphin (selon certains, Orléans était l’amant de la reine, et le véritable père du dauphin). L'année suivante, le roi d'Angleterre Henry V épousa la fille du roi de France Charles VI, devenant ainsi le légitime héritier du roi de France (sauf pour les partisans de la loi salique, qui considèrent qu’une femme ne peut pas transmettre un titre de noblesse, mais c’est une loi anti roi d’Angleterre, faite exprès pour l’occasion, et après le couronnement d'Henri V). Il exerça le pouvoir en France au nom de Charles VI, qui était fou. Alors le duc Philippe III de Bourgogne, fils de Jean, renonça à devenir roi, et fit allégeance au roi de France Henri V, par vengeance contre le dauphin, qui lui refusait que Henri V devienne roi de France. Mais en 1435, après quinze ans de guerre, le duc Philippe finit par accepter de négocier avec l'ancien dauphin, devenu roi après Henri V. De plus, les Anglais, qui étaient victorieux en 1420, ont perdu le soutien des Bretons, et ont même été repoussés par l'épopée de Jeanne d'Arc.

Philippe III n’est pas n’importe qui, c’est le grand-duc d’Occident : en plus du duché de Bourgogne et de la Franche-Comté, qui forment la Haute Bourgogne, il règne aussi sur les Pays-Bas, ou Basse Bourgogne. Les Pays-Bas bourguignons sont un grand ensemble composé de la Picardie (et du comté de Vermandois), de l'Artois (et du comté de Boulogne), de la Flandre, du Brabant, du Hainaut, de la Hollande, de la Zélande, et d'une partie de la Champagne. Mais en 1435 la situation n'est plus du tout la même qu’en 1420. Le chancelier du duc de Bourgogne s'en rend compte et demande au duc de Savoie d'intervenir. L’immense puissance de la Bourgogne l’empêche de demander la paix elle-même, les partisans de la Bourgogne se seraient sentis humiliés. Amédée VIII accepte avec joie d'aider son beau-père, et invite de nombreuses délégations à venir discuter de la fin de la guerre. Le roi de France se fait représenter par le duc de Bourbon, le roi d'Angleterre est présent, ainsi que le duc de Bourgogne, et de nombreux autres grands seigneurs impliqués de près ou de loin dans cette longue guerre. Les rois de Pologne, de Castille, d'Aragon, d’Écosse et de Portugal sont présents, ainsi que l'empereur du Saint-empire, Sigismond. Par le traité d'Arras, Philippe III de Bourgogne agrandit encore son domaine, en obtenant de la France les comtés de Mâcon et d'Auxerre, ainsi que des villes en Picardie, et surtout son autonomie totale vis-à-vis de la France. Le duc reste le vassal théorique du roi, mais il est dispensé de lui faire hommage. En échange de toutes ces concessions, la Bourgogne signe la paix et cesse de prétendre que le dauphin est le bâtard du duc d’Orléans. Il ne faut pas s'y tromper, le traité d’Arras est exceptionnellement favorable aux Bourguignons et à leur allié savoyard.

25 septembre 1396 : Le sultan ottoman Bajazet (ou Bayezid) vainc une armée de croisés européens à Nicopolis, sur le Danube, dans l'actuelle Bulgarie. Les croisés étaient accourus de tout l'Occident pour secourir le roi de Hongrie et l'empereur byzantin. Leur défaite enterre l'idée de croisade contre l'empire ottoman, et suggère le pire à court terme pour la survie de l'empire byzantin.

Avant d'entrer dans les détails, revenons sur le contexte. Il y a des gens qui aujourd'hui disent que l'Occident a abandonné l'empire byzantin. C'est vrai pour l'année 1453. Mais il ne faut en aucun cas en déduire que l'Occident est responsable de la destruction de l'empire byzantin. L'empire byzantin est continuellement en guerre civile, et c'est ça la cause de son malheur. La famille des Paléologue, pro-européenne, et celle des Cantacuzène, pro-turque, sont deux dynasties impériales à Constantinople, et elles sont en guerre. Pour tenter de remporter la guerre, les Cantacuzène appellent à l'aide leur puissant voisin, le sultan Bajazet. Bien sûr ce dernier répond, et envahit les Balkans, traquant les Paléologue et leurs partisans. Et une fois leur mission remplie, au lieu de repartir en Asie, comme le veulent les Cantacuzène, les soldats turcs s'installent en Thrace et annexent le pays. L'empereur Manuel II, un Paléologue, s'associe alors au roi de Hongrie pour demander au pape l'appel à la croisade. Les Hongrois sont les derniers remparts de l'Europe, car Serbes et Bulgares ont déjà été vaincus et envahis par les Turcs, tandis que les Byzantins se déchirent entre eux. Les Européens ont répondu massivement à l'appel à la croisade. Ils envoient des milliers de soldats, et l'élite de leur chevalerie. Les Français ont négocié une trêve dans la guerre de cent ans, et à eux seuls envoient dix mille hommes. Des milliers d'autres viennent d'Allemagne, d'Alsace, de Savoie. Les Teutoniques et les Hospitaliers envoient aussi leurs troupes. Même quelques troupes valaques et hongroises répondent à l'appel du pape, bien que la plupart des royaumes d’Europe de l’est (Pologne, Bohème…) préfèrent rester dans leurs pays, préférant une stratégie défensive à l'offensive voulue par les Occidentaux.

A la fin du mois de septembre 1396, l'armée croisée longe le Danube et met le siège devant la ville de Nicopolis. Certes elle ne dispose d'aucun engin de siège, mais elle les construit. Elle y est surprise par l'arrivée des Ottomans (Turcs, bien sûr, mais aussi leurs vassaux, Serbes et Bulgares). Méprisant les conseils de prudence du roi de Hongrie, les chevaliers occidentaux n'ont d'autre envie que d'en découdre au plus vite. Jean, comte de Nevers, dirige les croisés. C'est dans cette bataille qu'il a gagné son surnom de Jean Sans Peur. Moins nombreux et pris par surprise, les Croisés attaquent, à Nicopolis. A la fois par calcul du sultan, et aussi parce que les chevaliers occidentaux sont quasiment impossibles à arrêter pour les troupes légères (janissaires et spahis) de Bajazet, les croisés s'enfoncent au milieu de l'armée turque. Les mamelouk, la garde personnelle du sultan, sont les seuls à arriver à stopper la charge frontale des croisés. Mais alors les deux ailes de l'armée ottomane se referment sur les imprudents. Encerclés, les Occidentaux sont massacrés sur place. Le sultan n'interrompt le carnage que dans la perspective d'une rançon. Trois cent chevaliers sont poussés devant le sultan et doivent décliner leur identité et leurs ressources. Ceux qui sont insolvables sont immédiatement décapités. Les Hongrois et les Valaques échappent au massacre mais sont mis en déroute, et le roi de Hongrie arrive à grand-peine à s'enfuir sur un navire vénitien. Humbert, comte de Romont, fils bâtard d’Amédée VII de Savoie, mène soixante-dix chevaliers, une vingtaine d'écuyers, et nombre de soldats à cette bataille. La Savoie paie la rançon exigée par les Turcs pour le fils du comte rouge (mort cinq ans plus tôt), mais aucun des autres Savoyards ne revient des Balkans.

28 septembre 1388 : La ville de Nice est conquise par la Savoie, avec le pays environnant, jusqu'à Vintimille inclus : on appelle désormais cette région les nouvelles terres de Provence. Les Niçois préfèrent employer le mot dédition que celui de conquête, car d'après eux ils n'ont pas été conquis, mais ils se sont volontairement choisi un suzerain capable de les protéger. Ce ne sont que deux points de vue différents du même événement, ni l'un ni l'autre n'étant parfaitement honnête.

La prise de Nice est la grande réalisation du comte Amédée VII de Savoie. Et l'ironie, c'est que bien que le comte soit personnellement un grand combattant, ce n'est pas le combat qui a donné Nice à la Savoie, mais la diplomatie. La comtesse de Provence (également reine de Naples) a été assassinée six ans plus tôt, et deux personnes se prétendent héritiers du royaume et du comté. D'une part il y a le duc d'Anjou, frère du roi de France Charles V et partisans du pape d'Avignon, et d'autre part il y a le comte de Duras, fils du roi de Hongrie et partisans du pape de Rome. La majorité des villes provençales, dont Nice, veulent la victoire des Hongrois, et forment la ligue d'Aix, opposant leurs soldats aux Français. Seules quelques villes soutiennent les Français, Marseille par exemple. En 1387, les villes hostiles aux Français changent presque toutes d'avis, et reconnaissent le duc d'Anjou comme comte de Provence. Presque toutes, mais pas Nice. La Provence orientale, située entre le Var et l'Italie, devient donc la cible des Français, qui mettent le siège devant Nice. Les Niçois ne sont pas de taille face à l'armée française, et ils appellent donc les Hongrois à l'aide. Mais Duras a été tué (assassiné lui aussi), et son fils a été chassé de Naples. Aucune aide ne peut venir de là. Les Hongrois se contentent d'envoyer un message aux Niçois, qui les autorise à se choisir le souverain qu'ils veulent, pour empêcher les Français de les écraser. Il n'y a que trois puissances voisines de Nice à l'époque. La France, mais c'est contre elle que se battent les Niçois. Gênes peut aussi accueillir Nice. Mais Gênes n'a pas d'armée, ce sont des marchands. Et enfin il y a la Savoie. Une armée presque aussi puissante que la France, une diplomatie exceptionnelle, un comte charismatique, et une économie riche. Les Niçois choisissent donc la Savoie, et envoient des ambassadeurs appeler le comte Amédée à leur secours.

Le comte n'attendait que ça, il a même activé sa diplomatie (et ses ressources financières, ce que l'on dit peu) auprès des Niçois, des Génois et des Français, pour avoir le maximum de chances d'être appelé au secours. Le comte et son conseil se désespèrent en effet à l'époque de n'avoir aucun port digne de ce nom en Savoie, et d'être enfermés dans un pays de montagnes, dont l'essentiel de la richesse vient des péages payés par les voyageurs. La Savoie veut se diversifier et devenir une puissance commerciale, peut-être même une puissance maritime si c'est possible. Il ne faut pas oublier que le précédent comte de Savoie est mort aux côtés du précédent d'Anjou. Le comte rouge a même en personne participé à l'invasion française réussie en Flandre. Il n'y a pas d'alliance écrite entre les deux états, mais les relations sont excellentes. C'est probablement ces relations avec la France qui ont convaincu les autres puissances de laisser Nice à la Savoie. Ce fut une conquête pacifique, mais une conquête quand même. Les barons de Bueil, la fameuse famille Grimaldi, partisans de la Savoie et en même temps sénéchaux de Provence, ont en pratique quasiment convaincu tous les autres Niçois d'appeler la Savoie, plutôt que de tenter une trêve avec les Français. Aussitôt que les ambassadeurs niçois arrivent à Chambéry, Amédée, qui a déjà rassemblé son armée, se met en route pour Nice. En quelques jours il est à Barcelonnette, sur la frontière provençale (il faut noter que le Dauphiné a accordé un droit de passage à l'armée savoyarde pour arriver à Barcelonnette, et on ne peut pas s'en étonner si on remarque que le gouverneur du Dauphiné est le duc de Berry, beau-père du comte de Savoie). Les éclaireurs savoyards entrent en contact avec les troupes françaises qui assiègent Nice. Il n'y a aucun combat, les Français partent tout simplement, et les Savoyards entrent dans une ville en liesse. Il est totalement faux de dire que les Savoyards n'ont pas fait partir les Français, mais il est également faux de dire que les Niçois n'ont pas décidé de reconnaître Amédée VII de Savoie, ce qui fait de cette conquête une conquête bien inhabituelle, surtout pour l'époque.
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Bastien

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MessageSujet: Re: Chroniques de Savoie   Chroniques de Savoie Icon_minitimeMar 25 Sep - 23:13

Octobre :


9 octobre 1442 : La réparation de sept navires de guerre bourguignons débute à Villefranche, le port du pays de Nice. Les ducs Louis de Savoie et Philippe de Bourgogne, qui sont oncle et neveu, ont conclu un arrangement pour que la marine de guerre bourguignonne utilise le port et le chantier naval de la Savoie. Cet arrangement porte à neuf le nombre de navires de guerre présents au large de Nice.


A l’origine, en 1441, le pape Eugène IV autorisa le duc de Bourgogne à négocier un arrangement militaire avec le duc de Savoie, pour que la Bourgogne puisse envoyer des troupes défendre Rhodes contre les Turcs. Louis de Savoie était en effet un partisan (et même le fils) du pape Felix V, le pape du schisme soutenu par la Savoie, les milieux intellectuels et la majeure partie de l’Europe de l’est, et en conséquence un ennemi de Rome. Or, la Bourgogne n’ayant pas de port sur la Méditerranée, elle avait besoin de celui du pays de Nice. Au retour de Rhodes, où ils n’ont d’ailleurs rien fait, faute d’attaque des Turcs, les navires bourguignons (parmi lesquels on compte une grande nave, plusieurs galères et une caravelle) firent escale à Villefranche, près de Nice, où ils furent réparés et réarmés. Pour les renforcer la Bourgogne fit construire quatre autres navires en Savoie, avec des matériaux venus de Gènes. La construction couta plus de trois mille saluts d’or : les saluts ont été adoptés comme monnaie officielle par le roi de France Charles VI, puis par le roi de France et d’Angleterre Henri V, et enfin par le roi d’Angleterre Henri VI, qui régna sur une partie de la France jusqu’en 1453. Au départ cette flotte était une arme secrète de la Bourgogne, mais bientôt le duc de Bourgogne se dévoila. La flotte devait participer à la croisade appelée en 1442 contre les Turcs par le pape Eugène IV, pour porter secours à ce qui restait de l’empire byzantin. Huit navires du pape, huit de Venise, et trois de Raguse, constituaient l’ossature de la flotte croisée, que les navires bourguignons devaient venir renforcer. En cette fin de guerre de cent ans (la Bourgogne s’était retirée du conflit en 1435) et avec le schisme en Savoie, la Bourgogne était le seul état francophone à soutenir encore les croisades de Rome.

A partir de mai 1443, les bannières bourguignonnes commencèrent à se remplir de soldats, car les navires étaient prêts. Les prisonniers de Dijon furent transférés à Nice, pour servir d’équipage aux galères bourguignonnes en partance pour l’Orient. Pour se rembourser des frais de l’expédition, les croisés embarquèrent aussi nombre de marchandises à vendre sur place, et également beaucoup d’or, pour acheter des marchandises byzantines à revendre de retour au pays. Le projet était de bloquer le détroit des Dardanelles, pour empêcher les Turcs de passer en Europe, puis de remonter le Danube pour faire traverser l’armée hongroise. Geoffroy de Thoisy, le capitaine de la flotte bourguignonne, reçut plus de dix mille saluts d’or, pour remplir les missions que lui avait confiées le duc, formule très évasive. Mais les navires italiens n’étaient pas prêts. Peut-être le duc de Savoie parvint-il à détacher les Bourguignons (le duc c’est peu probable, mais le commandant de la flotte, c’est déjà beaucoup plus plausible) du pape de Rome, car Thoisy décida de partir avec ses seules forces pour l’Orient, sans suivre le plan du pape. Les Bourguignons retournèrent à Rhodes, où le sultan d’Egypte lançait une attaque. Plus tard Thoisy se justifia en disant qu’il n’avait pas le temps d’attendre les ordres de son duc s’il voulait être à temps à Rhodes. Et il réussit en effet à intercepter la flotte égyptienne, permettant la défaite des troupes terrestres du sultan, trois mois seulement après à Rhodes (distante de Nice de 3000 kilomètres). Ce fut une victoire bourguignonne, mais le passage à Rhodes fit que les Bourguignons n’arrivèrent à Constantinople que fin octobre, quelques jours après le passage de l’armée turque par le détroit des Dardanelles. Les Italiens n’avaient pas été assez nombreux pour la stopper.

13 octobre 1307 : Dans tout le royaume de France, les templiers sont arrêtés simultanément, mais restent libres partout ailleurs. Le cas des templiers est assez particulier en Savoie. Amédée V, le comte de l’époque, ne partage pas l’intransigeance du roi de France, mais bien avant 1307 les templiers ont déjà reçu l’interdiction de s’installer en Savoie. S’ils n’étaient pas là ils ne risquaient pas de devenir assez influents pour mettre en péril l’autorité du comte.

On sait aujourd’hui que bien que le roi de France ait cru que les templiers étaient des hérétiques, il a surtout agi parce qu’il avait peur que les templiers lui ravissent son pouvoir. Les légendes racontées sur l’hypocrisie d’un roi aveuglé par son désir de s’approprier le fameux trésor des templiers ne résistent pas aux faits. Les templiers étaient en effet sous l’autorité exclusive du pape, et ne risquaient donc rien des pouvoir civils : c’est leur indépendance qui a causé leur fin. Et ils étaient déjà indépendants deux siècles plus tôt. C’est ce qui a fait craindre à Pierre de Savoie, comte à la fin du XIIe siècle, que les templiers, s’ils s’installaient en Savoie, ne finissent par être plus puissants que les comtes légitimes. Pierre n’a pas emprisonné les templiers, il les a tout simplement interdits en Savoie. C’est pour cette raison que l’on ne trouve pas la moindre trace de commanderie templière en Savoie, hormis deux exceptions. Dans le comté de Genève se trouve l’ex-commanderie de Compesière. Mais ce comté n’a été acquis par la Savoie qu’en 1401, à une époque où les templiers avaient déjà disparu depuis longtemps. En revanche, il y a le cas de la Bresse, où la commanderie templière de la Musse, située à un kilomètre de Mâcon, mais sur la rive est de la Saône, possédait un territoire plus riche et plus étendu encore que Compesière. L’explication est que comme Genève, la Bresse a d’abord été indépendante. Les seigneurs de Bresse ont accueilli les templiers sur leurs terres, et quand la Bresse fut rattachée à la Savoie, en 1285, le comte Amédée V se retrouva avec sur ses terres les templiers de la Musse, indépendants de lui. Amédée se méfiait autant de templiers que son lointain ancêtre Pierre. Il négocia, et moins de dix ans après les templiers étaient tous partis, remplacés à la Musse par les hospitaliers (devenus depuis les chevaliers de Rhodes).

Les hospitaliers se consacraient à des tâches charitables, comme le soin des blessés et l’accueil des pèlerins, contrairement aux templiers, qui étaient avant tout des combattants. Bien qu’aussi influents que les templiers, les hospitaliers étaient donc mieux acceptés des autorités, car réputés plus doux. Ils avaient cependant également un rôle militaire : en 1441 le commandeur hospitalier de la Musse obtint du maréchal de Savoie l’autorisation de maintenir une garnison dans la commanderie. Tous les biens des templiers en Savoie furent donnés par le pape aux hospitaliers, et ce alors qu’en France le résultat obtenu par le roi fut exactement le même, à part que sa conduite a donné au roi de France une très mauvaise réputation (donnant naissance à la légende des rois maudits), et que ça lui a pris sept ans, là où le comte de Savoie a eu besoin de quinze ans. Bien qu’il ne se soit rien passé de particulier le 13 octobre 1307 en Savoie, l’emprisonnement des templiers en France, leurs aveux sous la torture, le bûcher du grand-maître et la mort dans la honte de l’ordre ont ému tout le monde. Pour l’anecdote, le 13 octobre 1307 était un vendredi, et pour beaucoup de gens, pas seulement en France, c’est à cause de cet événement que le vendredi 13 a acquis la réputation de porter malheur (ou de porter bonheur, quand on est un ennemi du pouvoir : en effet, deux ans plus tard, le roi de France, et le Pape étaient morts, vingt ans plus tard les descendants du roi étaient remplacés à la tête du royaume, et trente ans plus tard la France entrait dans la plus long conflit de son histoire : la guerre de cent ans). Cela dit le dogme aristotélicien dit que Christos est mort un vendredi 13, et différents mythes grecs, romains et germaniques associent également désordre et malheur au vendredi 13, et ce depuis l’Antiquité.

16 octobre 1434 : Amédée VIII, premier duc de Savoie, se retire au château de Ripaille. Il nomme son fils Louis lieutenant général du duché et prince du Piémont. C'est l'occasion de revenir sur cette province si méconnue en Savoie. En effet, certains considèrent encore aujourd'hui, à tort bien sûr, que la Savoie c'est uniquement Chambéry et Annecy, Aix-les-bains, Moutier, avec dans le meilleur des cas Bourg, Belley et Nice. Mais le Piémont, jamais.

Amédée VIII a annexé le Piémont en 1419, à la mort de son vassal et cousin, Louis de Savoie. Extrêmement loyal à l'empereur Sigismond, le duc de Savoie est ainsi devenu le champion du parti des guelfes en Italie. En effet, la papauté est de retour à Rome, en 1417, réunifiée après un siècle d'installation à Avignon. Même si elle doit quasiment tout au saint empire, elle ne le veut pas plus qu'avant en Italie, et il faut donc un chef fort aux guelfes. Les Gibelins sont dirigés par le pape, et leur ambition est d'empêcher le saint empire de gouverner la région. C'est la seule chose qui peut mettre d'accord les Milanais, les Florentins et les Vénitiens, qui autrement sont continuellement en guerre les uns contre les autres. Le pape dirige de loin le parti des Gibelins, ennemi personnel du parti des Guelfes. En 1434 le Piémont est depuis quelques années une des plus peuplées et des plus riches de toute la Savoie. C'est en Piémont que se trouvent la plupart des villes savoyardes : Turin bien sûr, Suse, Ivrée, et tant d'autres. Louis, fils aîné et héritier d'Amédée, met en place une province au statut très particulier. Elle rappelle énormément le Dauphiné pour la France. Comme le Dauphiné, le Piémont est le fief de l'héritier de la couronne, dans lequel il gère tout de façon autonome. Les impôts sont différents, les lois sont différentes, les traditions même sont différentes. L'héritier n'abandonne le Piémont que quand il meurt, ou qu'il monte sur le trône, pour le transmettre au prochain héritier, et ainsi de suite. La province, riche et peuplée, est une sorte d'entraînement à la vie de souverain, avec les nombreuses facilités offertes par la province avant de se lancer dans une gestion plus complexe : hormis qu'elle se révolte tout le temps, cette province est en effet la plus facile à gérer de toute la Savoie, et en plus c'est le duc qui s'occupe de mâter les rebelles, le prince n'a même pas ce problème.

Ce système a été mis en place en 1434, quand, sans qu'on sache exactement pourquoi, le duc de Savoie s'est retiré des affaires publiques. Certains disent que la politique l'ennuie, et qu'il veut vivre en ermite. Les mauvaises langues disent qu'il n'est devenu ermite que pour faire la fête constamment, sans les lourdeurs de la vie de souverain. L'expression faire ripaille est ainsi très connotée orgie, mais tout ceci ne repose sur rien d'autre que des mensonges : Amédée et ses chevaliers ne vivaient pas de pain sec et d'eau, mais leur discipline était stricte. Ripailler ne devrait donc pas avoir ce sens. Revenons à Amédée. Il confie en tout cas ses pouvoirs de gestion courante à son fils, le prince Louis, qui devient ainsi le lieutenant général du duché (lieutenant désignant comme son nom l'indique la personne qui tient lieu, c'est à dire qui représente). Le duc devient ainsi le conseiller privé de son lieutenant général, une étrangeté qui n'est jamais reparue après Amédée VIII et son fils Louis. Traditionnellement, le fils aîné (légitime ou non) du duc est membre du conseil de son père, pas l'inverse. Les princes du Piémont dirigent en leur nom propre, et bien que vassaux de leur père pour le Piémont, la plus riche des provinces de Savoie, et la plus avancée culturellement. On peut prendre l'exemple de la banque, du commerce, de l'industrie ou des sciences politiques, ce sera pareil. Pour prendre l'exemple de l'éducation, on constate que l'université de Savoie a été bâtie à Turin, la capitale du Piémont. Certes elle a été bâtie en 1405, avant que la Savoie annexe le Piémont, mais c'est révélateur qu'elle ne soit pas à Bourg, plus grande ville de Savoie, ou même à Chambéry, la capitale administrative. Les Savoyards vivant à l'ouest des Alpes sont obligés d'aller étudier à Avignon ou à Grenoble, quand ils ont atteint un certain niveau. Il existe des collèges à Chambéry, et des écoles primaires ailleurs en Savoie, mais d'université, aucune.

25 octobre 1415 : La bataille d'Azincourt, au sud de Calais, est une des plus grandes défaites françaises de la guerre de cent ans, et très probablement la plus célèbre. La Savoie est également vaincue dans cette bataille, car elle y participe, bien que n'étant pas vassale de la France. Bien sûr les conséquences sont moins dramatiques que pour les Français, car du côté savoyard c'est plus une marque de soutien à la France qu'une bataille dont le vainqueur change quoi que ce soit.

Fils et époux de princesses françaises, le comte Amédée VIII de Savoie était très attiré par la politique française, et c'est tout naturellement qu'il envoya deux mille Savoyards combattre du côté des 13 000 Français, pour vaincre l'Angleterre dans la longue guerre qui opposait les deux pays. La valeur et la discipline des Savoyards ne put sauver cette héroïque folie, qui pour beaucoup ne fut qu'une inutile et incompréhensible boucherie : 6000 combattants français furent tués, soit environ un sur deux (les Anglais ont perdu 600 hommes, ça se passe de commentaire). Le pire c'est que la situation tactique était plus ou moins la même que celle de Crécy, autre grande défaite française de la guerre de cent ans. Crécy c'était en 1346, presque soixante-dix ans avant. Mais la chevalerie française n'avait pas évolué pendant tout ce temps (la chevalerie savoyarde non plus, ne pensons pas que les Français étaient des incompétents, ou alors tout le monde l'était, à l'époque). Ralentis par leurs lourdes armures et forcés par les Anglais à combattre sur un terrain extrêmement défavorable, stratégiquement comme tactiquement, les Franco-savoyards furent fauchés par les archers anglais, et ceux qui atteignirent les lignes anglaises furent faits prisonniers, car trop peu nombreux pour vaincre seuls les Anglais. Pendant sept heures, au mépris du plan de bataille préparé par le maréchal de France, les troupes françaises chargèrent et tentèrent de repousser les Anglais. Ces derniers n'étaient même pas une véritable armée constituée, mais une chevauchée, c'est-à-dire un raid de pillage. Ils faillirent bien être enfoncés, juste à cause de leur nombre, et le roi d'Angleterre lui-même dut combattre, le prince héritier de la couronne anglaise également. Mais le sang-froid et la discipline des Anglais les empêcha de céder à la panique, et ce furent finalement les Français qui furent mis en déroute, malgré leur nombre et leur entraînement militaire supérieurs.

Tous les prisonniers, et ils furent nombreux, furent massacrés par les Anglais, à l'exception des plus nobles, capables de payer une lourde rançon. Les Anglais achevèrent aussi les blessés. Henri V, le roi d'Angleterre, à la tête d'une armée malade, épuisée, sous-équipée et en sous-nombre, remporta ce jour-là une victoire décisive, tellement décisive qu'il détruisit même pratiquement le royaume de France à cette occasion. L'armée savoyarde, commandée par son propre chef, le baron de Viry, survécut sans trop de dommages (elle perdit tout de même prêt d'un quart de ses effectifs, dont une centaine de chevaliers savoyards, ce qui est peu par rapport aux Français, mais beaucoup par rapport aux Anglais, qui n'ont perdu que treize chevaliers), et parvint à rejoindre le duc de Bourgogne, à qui les Français avaient interdit de combattre avec eux, pour le punir d'avoir commandité l'assassinat du duc d'Orléans, huit ans avant. Il est vrai que Charles d'Orléans, fils et successeur du duc assassiné, commandait une partie de l'armée française. Il est d'ailleurs important de prendre en compte la guerre que se livraient à l'époque Armagnacs et Bourguignons, car elle joue un grand rôle dans la défaite. Charles d'Orléans, personnage important du parti Armagnac, bien qu'il n'en soit pas le chef, fut fait prisonnier à Azincourt. Il y eut d'autres survivants de la bataille d'Azincourt, mais pas beaucoup. Cette défaite savoyarde fut assez paradoxalement une bonne chose pour le comte de Savoie, qui récupéra les terres des chevaliers savoyards, et qui renforça son amitié avec le duc de Bourgogne, son voisin. Troisièmement, grâce à la captivité en Angleterre du riche duc de Bourbon, la Savoie récupéra aussi les terres des nobles français installés à l'est du Rhône, c'est-à-dire sur les terres du duc de Bourbon. Amédée de Savoie était le descendant d'un précédent duc de Bourbon, et de ce fait il put annexer légalement toutes ces terres, qui selon lui auraient dû faire partie de son héritage et avaient été spoliées par le duc.

30 octobre 1439 : Amédée VIII, premier duc de Savoie, est élu pape au concile de Bâle. Il combat le pape Eugène IV sur le plan religieux, et prend le nom de Felix V. Plusieurs interprétations sont possibles, mais en règle générale les historiens le considèrent comme un schismatique et donc un antipape, non un pape classique.

Depuis la fin du grand schisme en 1417, des divergences subsistent dans l'église réunifiée. Le pape Martin V, élu en 1417, était un rassembleur et une personnalité consensuelle. Il a permis de rassembler les religieux malgré leurs différences, mais il est mort en 1431, et dès lors les difficultés sont revenues. Son successeur, Eugène IV, ne fait pas l'unanimité : il s'oppose rapidement à l'empereur Sigismond, pourtant le principal artisan de la réunification de l'église, et au concile de Bâle, autrement dit les évêques et autres dignitaires de l’église. Le nouveau pape fait dire qu'il est malade, ce qui lui permet de ne pas se rendre à Bâle, où il sait avoir beaucoup d’ennemis. En représailles, le concile déclare que ses décisions sont désormais supérieures à celles du nouveau pape. Furieux, le pape ordonne de dissoudre le concile, mais l'empereur intervient, et c'est le pape qui doit céder. Les difficultés sont loin d'être juste liées à la personnalité très autoritaire du nouveau pape. Peu de temps après la mort de Martin V, la croisade contre les Hussites a été écrasée. Rappelons que les Hussites sont des hérétiques vivant dans la région de Prague, et dont les principales revendications sont la liberté pour chacun de prêcher, et un vœu de pauvreté à imposer à toute l'église. Les religieux italiens sont prêts à négocier avec les Hussites après la défaite, mais l'église impériale est unie derrière l'empereur, et ce dernier refuse que les Hussites gagnent la guerre (les Hussites ne se sont pas seulement attaqués à l’église, ils ont aussi chassé leur roi, qui à cette époque était l’empereur du saint empire). L'église française se joint rapidement aux impériaux, contre les Italiens. Après seize ans de réunification, l'église court le risque de retomber dans un schisme (c'est-à-dire une séparation en deux communautés).

Quelques années plus tard, en 1437, Eugène IV veut réunir l’église d’Occident et celle d’Orient, menacée par les Turcs ottomans. Il ordonne au concile de quitter Bâle, et de se réunir désormais à Ferrare, sur la côte est de l'Italie, plus près des débris de l’empire byzantin. Ce dernier, protecteur de l'église d'Orient, est en effet nettement battu militairement, bien que toujours vivant. Certains religieux présents à Bâle acceptent d’aller en Italie. D'autres, majoritaires en nombre, refusent, estimant qu'il s'agit d'un abus de pouvoir du pape (de plus, avec le recul, on sait maintenant que les Byzantins n'ont jamais eu l'intention de collaborer avec les Romains à un autre projet que la guerre contre les Turcs, et en particulier ils n’ont jamais accepté l’idée d’une réunification religieuse, but du concile de Ferrare pourtant). Les religieux restés à Bâle déposent Eugène IV en 1439, c'est-à-dire qu'ils lui retirent la dignité de pape, et élisent un nouveau pape. Ce nouveau pape, c'est le duc de Savoie, Amédée VIII. Quand il est élu, il abdique de son duché et l'église d'Occident se divise une nouvelle fois, comme du temps des papes d'Avignon. Félix V s’installe à Lausanne (qui est en Savoie à l’époque) ; jusqu’en 1449, l'église savoyarde tient tête à l’église romaine. Felix V est reconnu par la Savoie, mais aussi par les Milanais, l'Autriche, la Bavière, la confédération helvétique, l’Aragon et la Pologne, ainsi que par les chevaliers teutoniques et les chevaliers porte-glaive, maîtres de la Prusse et des états baltes. Seuls l’Angleterre, le Portugal, la Hongrie et la plupart des états italiens restaient fidèles au pape de Rome : le Saint-empire, la Castille et la France préféraient la neutralité. Félix V est le dernier des antipapes, car c’est le dernier schisme réel de l’église d’Occident.
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