arrivée de Petra

Après avoir affronté le vent, marché sur des chemins cabossés, coupé parfois à travers champs et pour finir essuyer une averse, la jeune femme frigorifiée arriva enfin au domaine de Montjoye.

Avant d’entrer, elle passa ses mains sur son visage puis tapota sur sa cape pour en ôter les gouttes d’eau qui perlaient un peu partout sur elle.

Puis Petrasis toqua à la porte,

TOC ! TOC ! TOC !

Quand le laquais l’eut débarrassé de ses bagages, Petrasi se mit à l’aise et tira sur les deux lanières de cuir qui tenaient fermé sa cape humide.

Elle ôta le capuchon de sa tête, le posa sur le fauteuil. Elle put enfin se délester du poids de sa cape pour la poser non loin de sa capuche.

Par chance sa robe avait été épargnée par la pluie. Seules quelques mèches filasses collaient sur ses joues rosies par la fraicheur du dehors mais son maintien était comme toujours fière et son sourire franc.

C’est ainsi qu’elle s’avança vers Adrian tenant entres les doigts de sa main l’un des pans de sa robe et serrant contre sa poitrine le châle qui lui recouvrait les épaule. Elle prit une bouffée d’air pour se donner du courage puis lâcha :

Il me semble que nous avions déjà convenu de ma charge. En tant qu’intendante et avec toute la confiance que vous m’accordez je prenais en charge vos finances et m’occupait dans les moindres détails de vos besoins des futurs embauches pour le recrutement du personnels aussi bien en garde, qu’en domesticité.

A mesure que les secondes passaient, elle gagnait en assurance. La jeune femme arpentait la pièce de long en large, faisant les quatre cents pas tout en cherchant ses mots. Ses doigts s’entrelaçaient nouant ses mains moites d’angoisse. Essayant de garder la mesure de ses propos, elle agrémentait ses paroles de gestes détachés, lui permettant de paraitre plus à l’aise qu’elle ne le fut en réalité. Posant sa main sur le dossier d’une chaise elle poursuivit :

Oh ! Ne vous souciez pas, je serai très diplomate avec les gens que je rencontrerai dans le domaine et respectueuse avec votre famille sans y mettre une quelconque chamaillerie.

Soudain, alors que tout semblait calme, elle entendit des bruits de pattes d’animaux se rapprochant de la porte. D’instinct sans doute, elle se baissa, pour se redresser ensuite aussi vite.

Toute stoïque, devant l’arrivée si brutale des chiens elle se contracta et sans bouger regarda la scène, laissant échapper une légère stridulation de surprise :

« Oh ! Ce sont vos chiens !? Qu’ils sont… »

Elle réfléchit un court instant sur la suite de sa phrase, car Pétrasis n’avait pas en mémoire de bons souvenirs sur ses relations avec les chiens

Qu’ils sont beaux et très vivants.

un sourire rassurant apparut sur son joli minot .

En apercevant Adrian soulever les babines du dogue pour lui montrer ses crocs, Petrasis frémit tout en affichant un sourire goguenard.

Vous semblez être très lié à votre adorable gros toutou, je suis persuadée qu’il vous est assez fidèle pour vous donner sa vie en échange d’une auge bien remplie d’une viande sanguine.

Lorsqu’ ensuite il lui présenta le dernier de ses compagnons à poil, elle fut plus détendue, la petite boule de poil était si mimi que seul un être dépourvu de sensibilité aurait pu la repousser.

Oh ! qu’il est chou ce petit, j’adore son regard tendre et cette fourrure qui me semble soyeuse.

Petrasis joignit le geste à la parole. Elle entreprit de caresser affectueusement le bébé chien, alors qu’elle sentit comme un courant d’air dans son dos. Oubliant ce qu’elle allait amorcer, elle tourna légèrement la tête vers la porte qui doucement se refermait.

Ce petit contre temps n’interrompit pas pour autant la conversation et Petrasis par sa bonne éducation ne fit aucune remarque su ce léger trouble qui vint la perturber.

Oh ! oui ! oui ! J’ai un chat, mais voyez-vous cher Adrian j’ ai préféré le laisser à l’ auberge où je suis hébergée actuellement.

Ce qu’elle ne dit pas c’est qu’en vérité, Gros Matou accomplissait son devoir de chasseur griffu ; car depuis peu, le froid se faisant sentir, quelques souris étaient venues chercher refuge dans la gargote.

Il faut dire que la belle se douta bien qu’Adrian avait toujours l’habitude mesquine de la taquiner. Aussi avait-elle pris les devants en laissant son gros matou bien en sécurité loin des petites papouilles qu’Adrian aurait pu lui fait subir.

Vous savez Gros matou est un chat fort tranquille. Il n’a pas l’aisance de vos chiens à se laisser tripoter par n’ importe qui sans lever la patte.

Une image passa furtivement dans sa tête :
Elle s’abandonna à imaginer Adrian de Montjoie pestant sur Gros Matou qui dans une partie de chahuterie trop excessive avait la main griffée, le bras de chemise de dentelle découpée dans le sens de la longueur laissant pendouiller de larges lambeaux d’un tissu satiné.

Ne vous inquiétez pas ! Ils feront bon ménage, je vous en donne ma parole et je prendrais bien soin d’eux.

S’approchant amicalement d’Adrian de Montjoie, elle cacha sa bouche de sa petite main et lui murmura en frôlant l’oreille de l’ homme.

Je sais par expérience, comme vous le savez sans doute, que la solitude est parfois pesante et que nos animaux sont nos seuls confidents dans ces instants-là.

Reculant d’un pas le sourire coquin, elle baissa la tête en faisant mine de lisser les plis de sa robe pour ne point rougir.

Les présentations avec les nouveaux habitants à quatre pattes prenaient fin.

Il était temps de visiter les appartements maintenant et Adrian en bon maître du domaine servit de guide en lui demandant de le suivre.

Oui ! Oui ! Je vous suis sieur Adrian de Montjoie

Jetant avec regret un dernier regard sur les animaux, elle s’empressa d’emboiter avec confiance les pas de l’homme.

Sur leur passage, elle ne manqua pas de regarder les magnifiques tapisseries suspendues aux murs de pierres froides.
A des endroits stratégiques entre les coursives du château étaient plantés des flambeaux aux flammes d’ or qui par les appels d’ air reproduisaient sur les tentures des ombres onduleuses étranges .

C’est sans s’en apercevoir que la délicieuse jeune femme ne se rendit pas compte qu’elle avait ralenti son pas devant les ombres inquiétantes.

Aussi quand elle eut fini de se laisser emporter dans ce délire imaginaire fantomatique, elle eut comme un moment de panique en découvrant qu’Adrian était déjà bien loin devant elle.

Attendez-moi ! Frissonna la belle

Par chance en pressant son allure, elle parvint à diminuer l’écart entre eux.
Rassurée elle montra un sourire radieux à Adrian qui lui désignait dans le même temps les portes desservant ses appartements privés.

C’est mieux que je ne l’imaginais.

Petrasis ne s’imaginait pas non plus ce qui se cachait derrière la petite porte de chêne et lorsque Adrian la fit entrer en lui disant que c’était ses appartements, elle en resta muette en découvrant l’installation.

Oh ! Vous me comblez en m’offrant ce gite avec tout le confort, c’est grandiose pour moi , pas une faute de gout, tout est parfait que dire de plus.

Pendant un instant elle resta les mains jointes sur sa poitrine, admirant seulement le mobilier mis à sa disposition.

De votre bourse n’aurais pas besoin, êtes-vous fou ? Il y a tout ici ! rien à compléter

Puis elle réfléchit et revint sur ce qu’elle venait de dire.

Il manque une chose.... des fleurs

Soupira-t-elle en souriant.